Extrait du journal

Le talent du ministre était pour beau coup dans ce miracle inattendu. Mais ce qui a éclaté à tous les yeux, ce que M. le comte de Munster a dû certainement noter pour en faire le même soir son rapport à Berlin, c’est l’admirable mouvement de patriotisme qui s’est manifesté dans cette séance. Ab ! quel admirable et immortel pays que le nôtre ! Il y a six mois à peine, si on avait envoyé à quelque philosophe habitant l’Australie un exemplaire de tous les jour naux qui se publiaient en France, ce phi losophe aurait certainement fait cette observation : En voilà un pays propre! C’est proba blement quelque bagne ou une léproserie où se sont donné rendez-vous toutes les tares de l’humanité. Il n’y a — de leur propre aveu — que des fripons, des filous, des voleurs, des escrocs, des traîtres, des bandits, des tire-laine, des escarpes et des mal tôliers. Le fait est que c’est bien l’impression que nous donnions de nous-mêmes. Dès qu’on parle pendant cinq minutes du rôle de la France devant l’étranger, tout le monde est debout, les mains vont au-devant des mains, les larmes montent aux yeux, les misérables haines tombent, on est tout honteux de s’étre si longtemps méconnus, calomniés, et, si la mode était encore de s’embrasser, on s’embrasserait. Ah ! la délicieuse minute !... Je sais bien que demain nous recom mencerons à nous déchirer, pour passer le temps. Mais, en somme, nous ne nous déchirerons pas plus que nous ne 1 avons fait l’an dernier. Et cependant la minute de l’autre jour a été possible. ... Je voudrais connaître le rapport que M. le comte de Munster, ambassadeur d’Allemagne à Paris, a envoyé à son gou vernement le jeudi soir 6 mars 1890. X....