Extrait du journal

— Ah ! ma pauvre amie, te voilà donc ?... Je désespérais de jamais te revoir chez moi. — Le fait est que je dois te paraître bien négligente, bien incorrecte. — Ne parlons pas des devoirs mondains entre nous. Je me croyais un peu oublié de ma meilleure amie et cela m'affligeait fort ; mais puisque tu me reviens enfin, parlons de ce qui m'intéresse le plus : de toi. — Hélas! — Tu n'es pas heureuse ? — Oui et non. — C'est-à-dire non... Je m'en doutais, lors que tu te laissas marier, par excès de sou mission filiale, à un homme qui ne te plai sait guère. " — Dis que je ne l'aimais absolument pas ! — Epouser sans amour, n'est-ce point la plus grande infortune qui puisse atteindre une femme ? — S'il n'y avait que celle-là dans ma vie ! — Ah ! mon Dieu, ton mari ? — Un être abominable, ma chère!... Mé chant, brutal, égoïste... — Jamais je n'aurais supposé... — Ni moi. Il me déplaisait, j'étais navrée d'unir ma destinée à la sienné ; seulement, je le prenais pour un brave garçon, d'humeur toujours égale, assez bien élevé pour que l'existence me soit au moins supportable avec lui. '• — C'était assez mon impression: je tel'avais même dit pour te consoler un peu. — Ah ! quelle erreur fut la nôtre !... Dès le lendemain du mariage, il se montra tel qu'il était «t me fit une scène abominable sous je ne sais quel prétexte. Et cela s'est reproduit naturellement de puis cinq mois que vous êtes mariés? — Chaque jour, et plutôt deux fois qu'une. — Quel monstre 1 — Gé n'est pas tout: il me trompe. — Tu crois? j — J'ai surpris des lettres. D'ailleurs, ce j qu'il ne dépense pas avec ses maîtresses, il le perd au jeu. — Il est joueur? — Puisque je te répète qu'il a tous les dé fauts. Si je voulais plaider contre lui, j'au rais vingt motifs pour obtenir un bon divorce en ma faveur. — Alors n'hésite pas : un mari qui te trompe, qui t'outrage, qui te ruine... — Qui me bat... — Comment! il te bat?... toute la lyre des sévices graves, alors !... Il n'y a plus qu'à en gager la procédure. — Je n'en ferai rien. — Tu veux rester la femme d'un pareil homme? — Oh ! oui. — Pourquoi? — Parce que... depuis qu'il m'a rouée de coups, je me suis mise à l'aimer. MAXIME BOUCHERON. ■ ■■M' I ■ I .1 ' ■■ ...