Extrait du journal

ODIEUSE FUMISTERIE Pour conquérir et garder le pouvoir, toute l’opération consiste à s’emparer, par la fraude, de l’administration et des assem blées « souveraines ». — Le procès de Toulouse montre comment on s’y prend pour réussir ce genre d’opération. C’est d’une simplicité rudimentaire. On supprime les électeurs vivants qui gênent, on fait voter à leur place les morts toujours dociles, on bourre les urnes de bulletins complaisants et le tour est joué : on s’empare de toutes les fonctions, de tous les postes et l’on proclame que la France vient de se donner à la République, qui se voit rajeunie par cette « nouvelle épreuve ». Il ne faut pas croire que l’on révèle à Toulouse un scandale exceptionnel. La Petite République, qui en sait long sur ce sujet, déclare que l’on va clore « les débats de cette fastidieuse affaire ». Fastidieuse est un mot trouvé ! Le même journal publie les réflexions que M. Henri Airnel, l’ancien député de Bordeaux, lui adresse : La vérité, c’est que, du haut en bas, à tous les degrés électoraux, l’administration oppor tuniste a, depuis dix ans, faussé, corrompu, avili le scrutin ; Qu’elle a, partout où elle l’a pu, peuplé les mairies et les préfectures de ses créatures et de ses agents, et que ceux-ci, depuis dix ans, n’ont jamais fait autrement qu’à Toulouse. Le grattoir, la sandaraque, le mort-volant, sont devenus des instruments classiques. Ils ont fonctionné dans toutes les élections, imperturbablement, mécaniquement, aveugle ment. Les employés y ôtaient faits; il les manœu vraient avec la sérénité et l’inconscience d’au tomates habitués à n’avoir ni pensée ni volonté. Celle fois-ci, par hasard, il est advenu que ce sont les opportunistes qui ont écopé. Alors, furieux, ils s'écrient que ce n’est pas de jeu. Leur conscience s’émeut, leur vieille loyauté se réveille. Tel le voleur, frustré de son butin, qui réclame en justice pour qu’on le lui rende. Si l’on veut vraiment que ce procès de Tou louse apparaisse comme inspiré uniquement par le souci de restaurer les bonnes mœurs dans le suffrage universel, ce n’est pas aux faits relatifs, sur un point particulier du pays, aux dernières élections municipales ou législatives, qu’il le faut restreindre ; c’est à toute l’his toire électorale de ces dix dernières années., de 1885 à aujourd'hui. Alors on en verrait de belles! Et l’on apprendrait avec stupeur que le suffrage universel, tel qu’il a été pratiqué par les Constans, les liouvier, les Raynal et autres Baïhaut, n’a jamais été qu’une odieuse fumisterie 1... « Odieuse fumisterie » depuis 1885, de...