Extrait du journal

Chacun sait que jusqu'ici la campagne des proportionnalités n'a été qu'un vaste bluff monté avec beaucoup d'habileté par la troupe à grands spectacles que M. Char les Benoist, en barnutn de génie, mène à travers le pays. Cette troupe, composée des artistes du plus grand talent — dont quelques-uns, si les électeurs leur étaient infidèles et -si l'Académie française ne leur suffisait pas, trouveraient aisément un refuge à la Co médie-Française — ne va pas manquer de pousser des cris de victoire et d'aller p.oclamer éloquemment aux quatre coins du territoire que la représentation propor tionnelle vient de remporter un éclatant succès et que la Chambre s’est prononcée en faveur du principe de cette soi-disant réforme. Rien n’est pourtant plus contraire à la vérité, car le vote en question n'est dû, comme je l'ai montré à la tribune, qu'à la déplorable cuisine parlementaire qu'avait si bien prévue et si éloquemment décrite le président du Conseil dans le remar quable discours qui fut affiché sur les murs de toutes les communes. Certes, le passage à la discussion des articles a été vote à une grosse majorité, 382 voix contre 14,;, mais cette majorité englobait en plus des proportionnalistes, les partisans du scrutin de liste simple et les promoteurs de la péréquation des cir conscriptions électorales, ces deux propo sitions ayant été reprises et devant être discutées comme contre-projets. Quant au second vote, portant sur la première partie de l’article 1 ' instituant le scrutin de liste, émis par 379 voix contre 14e, il groupa forcément tous les partisans du scrutin de liste majoritaire et les protagonistes de la proportionnelle; ces derniers ne peuvent par suite en tirer au cun argument. Mais reste le vote de la seconde partie du texte de la Commission spécifiant que le scrutin de liste aurait lieu « suivant les règles de la représentation proportion nelle », disposition adoptée par 281 voix contre 235. La proclamation de ce résultat jeta nos excellents proportionnalistes dans un en thousiasme délirant que je m’empressais de calmer en leur montrant que ce n’était là qu'un succès apparent et éphémère qui 11e tarderait pas à se transformer en une piteuse défaite par le rejet de l’ensemble de l’article. En effet, les partisans de la R. P. 11’étaient pas les seuls à avoir voté cette for mule, et. à leurs bulletins de vote s’étaient ajoutés ceux de nombreux partisans du scrutin d'arrondissement, adversaires réso lus du scrutin de liste, qu'ils voulaient tout simplement mettre en échec par cette manœuvre • parlementaire publiquement avouée et qui constitue d ailleurs un pro cédé t. ès courant et parfaitement avouable. De plus, un assez grand nombre de républicains ayant inscrit, dans leur pro gramme électoral, le principe de la pro portionnelle, il y a quelques années, lors que la question ne se posait pas et sans l’avoir en aucune façon approfondie et étudiée, n'eurent pas le courage d'avouer publiquement, comme ils le proclament dans les couloirs, qu'ils s'étaient autrefois trompés et que, en dépit de la beauté de son principe, ce système électoral est pra tiquement impossible et dangereux. Enfin nombreux, très nombreux, furent les radicaux qui se laissèrent émouvoir par l’odieux chantage que j’exposais ici même il y a quinze jours et que je me fis un devoir de dénoncer et de flétrir du haut de la tribune de la Chambre. Com me l’indiquait hier mon ami Dalimier, une autre manœuvre, moins brutale peut-être, mais certainement plus perfide encore, fut apportée à cette même tribune d'où on menaça les radicaux antiproportionnalistes de dresser contre eux d'autres candidats radicaux dissidents proportionnalistes, ap pelés à grouper les voix les plus diverses dans la plus immorale et cynique coalition. Ces dernières considérations jouèrent également un rôle important sur le scru tin final qui eut lieu sur l'ensemble et qui fut néanmoins le seul vote précis et clair de la journée. Or, cet ensemble, c'està-dire le scrutin de liste agrémenté de la proportionnelle, fut repoussé par 291 voix contre 225, soit à 66 voix de majorité. Il faudrait après cela avoir bien peu de souci de la vérité, pour oser dire que la proportionnelle, même en son principe le plus abstrait, a groupé une majorité à la Chambre. Du reste, je n’ai jamais cessé de le pro...