Extrait du journal

Oui l’acte de Grégori est encore un symbole. C’est la ruée folle du nationa lisme entretenu, encouragé, réconforté, sur la lueur de justice qu'il voudrait tenter d'éteindre. La victime de l’iniquité mili taire a été arrachée à ses bourreaux, sus à la victime ! Puisque le simulacre de la Loi n’a pas eu raison de sa vie, faisons place au Crime. C’est ce qu'un jury composé d’honnêtes gens, de républicains, n'aurait pas dû per mettre. Quand le pays a prononcé, après une juridiction enfin juste, les décerveleurs de Dubuc n'ont qu’à poser leurs armes. L’assassinat, toujours révoltant, devient encore plus odieux quand il a des motifs de haine politique et religieuse. Voilà pourquoi le jury de la Seine a rendu une sentence inique, abominable en approuvant le meurtre. Après les brutales condamnations des antimilitaristes coupables seulement de rêver la paix mondiale, l’arrêt encore est ! un symbole, le symbole du vent de réac- i tion qui souffle sur notre malheureux pays. C'est un Druinont et un Arthur Meyer i qui dictent la sentence des jurés et sans doute la politique des ministres. Alors s'ils sont les maîtres, qu’ils par- ! lent plus haut. S’ils approuvent l’assassinat I quand l’assassiné s’appelle Dreyfus et j qu’il est juif, qu’ils aillent jusqu’au bout de ■ leur théorie ! Que le symbole devienne j l’exemple et la règle ! Qu'on organise en- j fin le bataillon des Cent-Noirs et les mas- j sacres et les pogromes ! Que les nationa listes prennent le revolver et la massue ! Sans doute alors la guerre ne sera plus faite aux juifs, mais aux socialistes. Les socialistes sauront ce qu’il leur reste à faire, et ils agiront. Voilà pourtant dans quelle expectative nous sommes. Il a suffi d’un ministère pour que la France ressemble à l’Empire de Nicolas et que les patriotards y fassent fleurir le régime des pogromes, en pleine impunité. Ernest MONTURES....