Extrait du journal

grand deuil, abîmée dans sa douleur : « Si vous étiez comme nous, madame, vous n au riez pas un instant pour pleurer. » Et, plus récemment, un de mes amis, qui pour exercer une profession qualifiée de libérale n’est pas réduit à un moins dur esclavage, répondait à une question sur l’état de son cœur : « Ai mer ? Je n ai pas le temps. » Alain Valori, né dans une des classes labo rieuses, n’aurait pas eu le temps, lui non plus, d aimer son ami Jacques, ni la cruelle Amante. Aurait-il moins souffert ? Je ne le crois pas. car il n’est pire peine que celle qui reste em prisonnée au fond de la conscience et n a même pas le droit de se formuler. Et nous aurions été privés d’une analyse où chacun de nous recon naîtra les traits de sa propre sensibilité, pris sur le vif et poussés jusqu’à un point d’exas pération où nous atteindrions sans doute, si com me lui nous n’avions rien à faire, que de nous observer. C est son premier amour. Jusque-là il n’a vait qu un ami. Une femme lui avait offert un sentiment dont alors il n’avait que faire, et qu’il avait repoussé, d’un égoïsme implacable. Il la revoit plus tard, et comme il est sur le point de souffrir lui-même, c’est alors seule ment qu’il comprend le mal qu’il a fait, et devine qu’il en sera puni. L histoire est simple. Jacques s est absente pour quelques semaines. A son retour, Alain désœuvré s’est épris d’Amanté qu il a entendue de loin, sans la connaître encore, chanter une mélodie d’un musicien moderne ; sa voix lui a...