Extrait du journal

C'A été un petit scandale. M. Antoine, personnage officiel, directeur d'une scène subventionnée, s'est permis de juger, sans ménagement de politesse, avec une netteté tranchante, les littérateurs qui, depuis vingt ans, alimentent de leur talent, soutiennent de leur influence et de leur autorité ses: entreprises. Aucune loi, sinon celle de la délicatesse et de la courtoisie, ne l'empêchait de les maltraiter. Il leur donne le droit de lui rendre la pareille et de dire à leur tour ce qu'ils pensent de lui. Rien de plus facile que d'édicter ces arrêts dédaigneux qui font d'autant plus d'effet qu'ils sont moins nuancés. Mais un mot brutal ne remplace pas un bon argument. Refuser à Paul Hervieu toute sensibilité, qualifier Henri Lavedan d' « homme élégant et bourgeois », déclarer que Maurice Donnay n'a composé sur vingt comédies qu'un ouvrage remarquable, voir exclusivement un malade dans Henry Bataille : cela trappe l'imagination du badaud qui ne prend pas la peine de réfléchir ; cela est absurde, parce que cela est inique. M. Antoine a de l'orgueil ; il a de l'amertume ; l'insuccès matériel de sa tentative odéonïenne, les tourments, les inquiétudes où il se débat l'ont visiblement aigri. Il n'est pas satisfait et son humeur s'en ressent. Il ose se plaindre de la fortune, alors que, dès le début, la fortune l'a comblé....