Extrait du journal

toire a la grandeur d'un poème épique. Il se nomme, de son vrai nom, JeanNépomucène-Salvator ; fils de Léopold II, grand-duc de Toscane et de Marie-Antoinette des Deux-Siciles, sa parenté avec la Maison d'Autriche lui confère le rang d'archiduc. Prince étrange, différent des autres princes, affligé d'une humeur ombrageuse, d'une inquiétude qui font de cet adolescent aux yeux de songe un être à part, il se plie malaisément à l'étiquette des Cours; il déteste et méprise le préjugé nobiliaire. Son orgueil, répudiant toute vanité, attache peu; de prix aux avantages de la naissance; il se propose un plus haut objet : il prétend penser, agir par soi-même; il affirme une indépendance incompatible avec la discipline et le respect de la hiérarchie. La publication d'un livre trop hardi sur les questions militaires lui vaut l'inimitié du vainqueur de Custozza, l'archiduc Albert. Et, comme il refuse de plier, on l'envoie expier son impertinence dans la garnison de Ling... Premier sujet de mécontentement, première révolte... Une aventure d'ordre sentimental achève de l'aigrir. Il s'éprend de la jolie danseuse Milly Stobel ; il n'est pas homme à cacher ses amours, il les affiche... Grands dieux! en fait d'amourettes, les empereurs et les rois n'ont pas le droit de se montrer bien sévères! Le vieux François-Joseph serait indulgent; mais les haines, accumulées autour du rebelle, l'assiègent, l'exhortent à la sévérité. Salvator ne veut endurer aucune réprimande. Abreuvé de dégoût, il prend l'attitude d'Alceste, renonce à ses titres, prérogatives, droits éventuels à la couronne ; il revendique la qualité de simple citoyen et, comme tel, affirme sa résolution de s'expatrier,...