Extrait du journal

CES huit jours sont pleins de tant d'événements, marqués d'émotions si poignantes, qu'ils semblent avoir duré un siècle. Eh quoi ! il n'y a pas deux semaines que la guerre est déclarée... Est-ce possible? Déjà des millions de soldats s'étreignent, des milliers de cadavres jonchent le sol, la carte du monde se modifie, une moitié de l'Alsace reconquise, ivre de bonheur, se presse autour de nos drapeaux victorieux, et l'autre, impatiente, nous tend les bras. A la fin de juillet, nul ne supposait que cette lutte gigantesque pût se déchaîner. On se battait, mais entre compatriotes, dans un cercle restreint, et pour une cause moins noble. Les débats du triste procès Cailiaux évoquaient l'image d'une France divisée, affaiblie, corrompue, dégénérée. Le spectacle de ces misères était bien fait, avouons-le, pour stimuler l'audace des ennemis acharnés à nous détruire. Peu de temps avant, le discours prononcé à la tribune du Sénat par M. Charles Humbert et qui signalait les lacunes de notre organisation militaire les avait encouragés. Quel argument pour l'Allemagne arrogante et belliqueuse ! J'imagine les propos que dut tenir le kronprinz à l'empereur, troublé et perplexe :...