Extrait du journal

Comme il le connaissait bien, ce Guillaume — son disciple ! Il l'avait formé, soutenu contre un père trop lent à mourir, imprégné de ses doctrines, de ses idées, nourri de ses conseils. Il le voyait vaniteux, théâtral, imprudent, agité, fou d'ambition et d'orgueil, infirme au physique, laid au moral. A peine sur le trône, le jeune souverain écarta ce tuteur impérieux, ce censeur perspicace et gênant, ce ministre populaire. Il voulait régner seul. Il disparaît, entraînant la formidable Allemagne dans sa chute. Le génie bismarckien eût-il pu conjurer le désastre ? Je l'ignore... Sans doute aurait-il évité certaines fautes, entrevu certains périls, empêché certaines interventions, essayé d'obtenir par des concessions nécessaires la neutralité de l'Amérique. Car l' « homme de fer » savait être adroit et souple, quand il ne se sentait pas le plus fort. Sa psychologie cynique et méprisante ne manquait point de finesse. La lucidité, voilà ce que n'ont pas eu les Guillaume II, les Hindenburg, les Tirpitz, les Ludendorff. Maîtres d'un peuple servile, ils se sont imaginé que les autres peuples lui ressemblaient et que, par la terreur, ils les amèneraient à capituler. Erreur grossière... Chaque geste barbare, chaque action...