Extrait du journal

UN immense cri d'admiration est monté vers l'humble créature qui vient, sans s'en douter peut-être, d'accomplir un acte de sublime dévouement. Tous les journaux ont relaté ce fait-divers. Un employé de la Compagnie du Nord, nommé Poulain, et sa femme habitaient une petite maison le long du chemin de fer. Le mari, préposé à la manoeuvre d'un sémaphore, travaillait dans sa guérite, lorsque, jeudi dernier, il fut frappé d'un coup de revolver par quelque apache demeuré inconnu. Grièvement atteint, il tomba, poussa des cris de détresse. Mme Poulain, bouleversée, se précipita, lui apporta les premiers secours. Soudain, retentit la sonnerie de la voie. Deux trains, un omnibus, un rapide, approchaient. Si les signaux restaient muets, s'était l'inévitable collision, la catastrophe. Mais, d'autre part, l'état, du blessé réclamait des soins urgents. Quelle angoisse dans le coeur de la malheureuse femme, tiraillée, comme les héroïnes de Corneille, entre des obligations impérieuses et contradictoires! Elle n'hésita point; elle quitta le moribond, exécuta à sa place les gestes nécessaires, puis, la besogne faite, le péril évité, elle revint auprès de l'homme qui agonisait. Ses appels désespérés furent entendus des camarades du chantier voisin; elle les aida à transporter l'agonisant à l'hôpital, et là, brisée par la douleur, à bout de forces, elle s'évanouit tandis qu'il rendait le dernier soupir....