Extrait du journal

Les incidents de ce genre ne sont pas rares dans le monde du théâtre. Un ouvrage dramatique est sur le chantier. Il va paraître devant le public. Tant que dure le travail des répétitions, l'auteur et le principal acteur — l'étoile — se comblent d'attentions, de soins et d'égards. ils se prodiguent les compliments. C'est la lune de miel. L'acteur adresse, avec précautions, quelques conseils à l'auteur; celui-ci, les reçoit avec reconnaissance. Si la victoire couronne leurs efforts, ils tombent dans les bras l'un de l'autre. « Votre pièce est un chef-d'oeuvre », s'écrie l'acteur. «Je vous dois son succès », s'exclame l'auteur. Ils sont amis, ils sont frères... Cependant, les mois s'écoulent. Un différend surgit, souvent provoqué par une cause futile. Et voici que le vent change. On s'adorait. Et l'on se déteste. Aux louanges succèdent les aigres reproches, les propos calomnieux. Les avis naguère donnés par l'acteur se retournent contre l'auteur qui les a suivis. L'orgueil du cabotin infatué de lui-même s'exalte... Il se vante, non seulement d'avoir participé à la pièce, mais de l'avoir faite. « Elle est de moi », déclare-t-il cavalièrement. Il accable du plus injurieux mépris l'écrivain qu'il révérait et qu'il traitait de « cher maître ». Telle est l'histoire de la querelle d'hier. M. Guitry a créé L'Emigré, de M. Bourget; il y a déployé— et nul ne le conteste — un très grand talent. Au commencement de cette année, il exprime le désir de remonter l'ouvrage, et, comme M. Bourget...