Extrait du journal

QUE de révélations nous aura apportées la terrible guerre de 1914! Nets lui devrons, d'abord, d'avoir pris conscience de nous-mêmes. Les Français se calomniaient volontiers. Ils se croyaient divisés, corrompus, frivoles. Le péril les a unis, assainis. Ils sont allés allégrement au combat. Ils s'y comportent avec vaillance. On a lancé sur eux la première armée du monde. Ils l'ont arrêtée. Demain, ils la jetteront hors des frontières. M. Paul Bourget a raison de proclamer que « toutes les vertus dont est faite notre histoire, nous les avons retrouvées ». Cependant, à côté de cette volonté héroïque, de cet esprit de dévouement, de cet amour réfléchi de la patrie, fruit d'une culture supérieure, des instincts primitifs se sont ranimés chez nos soldats. En chacun d'eux existent deux êtres superposés : l'être qu'ont façonné l'éducation, les moeurs, le respect des lois ; et l'être primordial éternellement soumis aux sollicitations de la nature. L'homme, considéré dans son essence, change peu. Ce qu'on appelle « civilisation » est une pellicule mince et fragile. Qu'un accident la déchire : le fond invariable apparaît... «Grattez le Russe et vous voyez le Cosaque », dit un proverbe. Grattez le paysan et vous apercevez le chasseur, le braconnier, l'animal humain qui demande sa subsistance ou son salut à l'emploi de la force, de la ruser, qui goûte un âpre plaisir à tendre des embuscades, à verser le sang... La chasse et ta guerre supposent des états d'âme et des aptitudes identiques....