Extrait du journal

Les années s'écoulèrent,. pleines de vicissitudes. En hiver 19131914, je me trouvais à Paris. Et là encore, ce fut une personne amie et un esprit sensible qui « combina » une nouvelle rencontre entre Zweig et moi : Léon Bazalgette, le traducteur et biographe de Whitman (un autre livre que je voudrais voir imprimé chez nous : sa Vie de Whitman), nous invita à passer la soirée dans je ne sais plus quel bistrot de' Montparnasse. Zweig aimait beaucoup Bazalgette pour son intelligence et sa haute moralité. Soirée délicieuse. Il y avait encore deux ou trois autres écrivains du groupement CLARTE, tous de « bons Européens », ce qui nous donna un sentiment de bonheur serein, une détente presque enfantine de nos soucis personnels. Le plus gai de nous tous fut Zweig qui, à un certain point de la conversation et après avoir bu maints toasts avec du vin blanc à la paix éternelle, dit tout à coup, avec un sourire malicieux et comme s'il avait pressenti les événements qui devaient venir : « Toutefois, si la guerre devait éclater demain et si elle devait servir d'inspiratrice à une grande poésie lyrique, cette guerre serait justifiée... >...