Extrait du journal
En mars 1850, au lendemain de l’élection de MM. Eugène Sue et de Flotte, M. Tliiers, alors simple représentant du peuple, déclarait qu’il attachait à ces élections un sens terrible et redoutable pour la société, et, s’adressant à l’As semblée nationale, il ajoutait : « Les dangers « que ces élections nous révèle ne sont pas une « illusion de vieux parti. Si ces élections n’ont « pas parlé clairement à tous les esprits, il faut « renoncer à toute intelligence des choses. » Et, recherchant, quelques mois après, les causes de ces élections, M. Tliiers disait, faisant allu sion à la politique du président de la Républi que d’alors : « Cette politique du Message, cette « politique toute personnelle, elle a bientôt « porté ses fruits. Savez-vous ce qui est arrivé ? « Ce qui arrive toujours quand le pouvoir n’est « pas aussi fortement représenté qu’il pourrait « l’être : les esprits n’étant pas dirigés, ils « tombent dans le vague, et du vague, ils vont « bientôt à l’aigreur. Cet état des esprits s’est « révélé dans les élections qui ont si justement « étonné la France, non pas pour les deux col« lègues qu’elles nous ont donnés, mais surtout « pour les opinions au nom desquelles elles « sembleraient faites. » Les reproches fort jus tes que M. Thiers adressait en 1850 à la politi que présidentielle, on peut, sans y changer un seul mot, les formuler aujourd’hui contre la politique de M. Thiers lui-même. La « politique du Message » du 13 novembre, la politique sui vie constamment par M. Thiers depuis février 1871, est une « politique toute personnelle », une politique de division et de désorganisation, comme celle de 1850. Les esprits, comme alors, ont « passé du vague à l’aigreur », et maintenant leurs choix se portent sur des ennemis du Gou vernement et de la société elle-même. Après les avertissements du 27 avril, une politique nouvelle s’impose donc au Gouverne ment : comme le dit la Liberté, M. Thiers doit s’appuyer sur la trêve des partis, qu’il importe de maintenir afin de réunir en un seul faisceau toutes les nuances de l’opinion libérale conservatrice. C’est avec cette majorité, si lar gement représentée dans le sein de l’Assemblée nationale, qu’il faut gouverner désormais. Et c’est aux conservateurs, à ces millions d’élec teurs prêts à accepter toutes les formes de gou vernement, à la seule condition de trouver sous les lois la liberté, la paix publique et le respect des droits acquis, qu’il appartient de rappeler M. Thiers à la réalité. Nous avons d’autant plus sujet d’insister sur la nécessité de ce profond changement de politique, que les journaux radicaux affectent plus de modération dans le triomphe, et dénaturent plus effrontément la signification de l’élection de M. Barodet. Cette élection, qui contient de si terribles menaces contre la société, on affecte de la représenter comme simplement progressive 1 Cet homme, qui a mandat impératif de protester contre la répression des « crimes politiques » commis par les assassins et les incendiaires de mai 1871 ; cet homme qui a mandat impératif d’inviter le Gouvernement à dissoudre, fût-ce même par la force, l’Assemblée nationale, on affecte d’en faire un homme doux et modéré ! Heureuse ment, personne ne s’y trompe : le personnage élu, le 27 avril, par 180,000 suffrages, est ce même Barodet, ancien membre du Comité de salut public de Lyon, qui disait, le 4septembre, sur le perron de l’Hôtel-de-Ville : « Montez, « tous ceux de Y Internationale 1 » Et, tout le monde voit bien que la Commune, que la France croyait vaincue et anéantie à jamais, a retrouvé assez de vigueur pour livrer à l’ordre social un nouvel assaut.... Notre confrère, M. Adh. Mazenc, écrivait, hier, dans le Charentais : « Une personne grave nous disait, en parlant du désastreux résultat des élections du 27 : « Je considère le triomphe « du radicalisme comme un fléau cent fois pire t que la gelée qui a détruit le même jour les « espérances de nos agriculteurs. » Cette per sonne avait raison. De tous les fléaux qui s’a battent sur un peuple, le pire est la révolution qui nous menace de ses mortelles étreintes. Une année d’abondance succédant à une mauvaise année fait promptement oublier celle-ci ; rien ne peut compenser les ruines que la révolution entasse comme à plaisir. Et que l’on ne vienne pas nous dire maintenant : cc Vous assombris sez la situation. » Non, nous ne l’assombris sons pas ; nous la montrons sous son véritable aspect. Habituons-nous à regarder les choses avec calme, à les raisonner avec notre bon sens, et ne nous laissons plus aller à ce doux far niente qui nous a perdus en nous empêchant de voir et de peser les événements. Le moment est solennel, et puisque l’avenir de la France, son existence même sont en jeu, soyons à la hauteur des circonstances. Aprè- les élections qui viennent d’avoir lieu, il n’est plus permis de s’aveugler sur les tendances du radicalisme. Les grandes villes sont corrompues par les doc trines de la révolution, et les campagnes ellesmêmes ne sont pas à l’abri de cette contagion. C’est une gangrène morale qui gagne peu à peu tout le pays par une propagation active et in cessante. Pour être élu député à Paris, à Lyon, à Marseille, il suffit de se proclamer l’ennemi de la religion, de la morale, de la famille, de l’héritage, du capital, etc. En tenant un pareil langage, on est certain d’être acclamé par les habitués des clubs, et, chose douloureuse à constater, les clubs sont la grande influence du jour, parce que les citoyens paisibles ne veulent point s’y commettre avec les énergurnènes qui y régnent en maîtres. Si nous persistons à refu ser la lutte, ou si même nous ne nous défen dons que faiblement, mollement, comme nous l’avons, du reste, fait jusqu’ici, notre défaite définitive est certaine. » Une bataille électorale est engagée dans la Charente-Inférieure. Deux candidats seulement sont en présence. L’un, M. le docteur Rigaud, pactise avec les alliés du désordre : il est l’élu des clubs qui ont donné MM. Denfert et Mes-...
À propos
Fondées en 1843, Les Tablettes des Deux-Charentes furent une parution bihebdomadaire (puis trihebdomadaire) vendue dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Le journal disparaîtra un siècle plus tard, en 1944.
En savoir plus Données de classification - barodet
- lockroy
- thiers
- rémusat
- de rémusat
- ranc
- gambetta
- boffinton
- victor hugo
- picart
- paris
- france
- lyon
- versailles
- la seine
- marseille
- vendée
- montmartre
- italie
- nièvre
- la république
- l'assemblée
- assemblée nationale
- parti républicain
- commune de paris
- ligue du midi
- académie française
- parti radical