Extrait du journal

abandonnant leurs armes. Les dépêches se contredisent. Tantôt c’est le gouvernement qui a triomphé, et tantôt c’est la Commune qui est proclamée. Le maréchal Serrano, les officiers, les alphonsistes, les car listes, M. Ligueras, les Cortès, Barcelone, Malaga, Cadix, c’est à s’y perdre. . Des correspondants prétendent que si nous n’y comprenons rien, tout ce monde-là s’entend fort bien là-bas. Ce serait pour le mieux ; mais j’ai le courage d’en douter, et je serais loin d’être tranquillle si j’avais en poche des valeurs espagnoles. Il est évident qu’un pays comme celui-là ne peut pas périr et disparaître ; mais il est sur une bien terrible pente. C’est ainsi qu’une dis location doit commencer, on en conviendra bien. Que voulez-vous attendre d’une popula tion livrée à tous ces appétits, com/ne l’est en ce moment la canaille de Madrid ? Car vous n’avez aucune idée, lecteur, de ce qu’est la canaille de Madrid et de toute l’Espa gne, du reste. Ici, à Paris, il y en a; aucune ville, malheureusement, n’en est exemptée ; elle se recrute de gens de tous les métiers, déclas sés ou flétris par des sentences judiciaires, en lutte continuelle avec la société, ne sachant jamais, en se réveillant le matin — à moins qu’ils n’aient dormi toute la journée — com ment ils déjeuneront, à plus forte raison s’ils pourront dîner. Ceux-là ne doivent pas être confondus avec ce que l’on appelle le peuple, qui murmure souvent, mais qui travaille, en attendant mieux. La canaille de Madrid n’est pas un ramassis de déclassés ; elle est née comme cela, elle n’a jamais fait œuvre de ses dix doigts, elle rougirait de gagner sa vie, elle mendie, vole ou fait de si singuliers commerces, que ce serait à en faire rougir des coquelicots, et tout cela avec fierté, en se donnant des airs, en se dra pant dans sa cape en dents de S3ie. Ni foi, m loi, ni domicile, ni famille, ni frein, ni rien. A peine sait-on quelle est sa mère; du.père, on n’en a jamais parlé. Un assassinat se commet quelque part ; si elle n’a pas vu le coupable, la police ne le cherche pas, si bien qu’on se flan que un coup de couteau, comme ailleurs on échange un verre de vin sur le comptoir de zinc. Cette populace parisienne, à laquelle certaine ment on doit imputer les dévastations et les massacres de la Commune, commandés par les Pyat, les Delescluze, les Ferré, les Rigault et autres, est un paradis de petits anges en comparaison de la canaille de Madrid. Que voulez-vous faire avec cela ? Ces dogues déchaî nés sont déjà terribles ; ils montent, ils vont déborder, et si l’on en tue quelques-uns dans les rues, tous échappés des présides ou sortis des prisons, vrai gibier de garotte, auxquels ne sera pas mêlé un seul citoyen, il ne man quera pas d’écrivains hypocrites pour s’écrier qu’on a tiré sur le peuple. On a beau dire que « l’insurrection est le plus saint des devoirs », ceux qui en jouent auront beau faire ; ils n’arriveront jamais à fon der un gouvernement, d’autant plus qu’ils ne souffriront pas qu’on s’insurge contre eux. J’ai vu hier un monsieur qui voyait tout en rose du côté de l'Espagne, parce qu’il a son portefeuille bourré de valeurs, -et paraissait bien convaincu que la France interviendrait par ses armes pour mettre l’ordre de l’autre côté des Pyrénées. Il y a, comme cela, des gens qui se font des idées !... Nous en aller arracher la paille de l’œil du voisin, quand nous avons une si belle poutre dans la rétine ! (La Liberté.) Chrysale....