Extrait du journal

fuse... un sanglot... Oh ! le déchirant sanglot ! Son sang se glaça. 11 connaissait celte lamentation poignante... Où donc l’avait-il entendue déjà ?... Auprès d’un lit de mort, il y avait deux ans bientôt. Le mort s’appelait le lieutenant Paul d’Ainemont !... et celle qui pleurait... oh ! celle qui pleurait... — Fabienne ! murmura-t-il, éclairé soudaine ment. Mais combien elle révélait plus d’angoisse, la plainte tombée sur le vivant, que celle exhalée jadis près du mort !... Ce sanglot, c’était la résurrection du passé. C’était l’histoire de son dévouement infatiga ble... de ses projets à deux... de ses pures amours ! Il crut avoir le délire. — Fabienne !... où donc es-tu ?... Fabienne?... me vois-tu ? pensait-il, subitement remué au plus intime de l’âme. C’était insensé, il le sentait. Il était bien certain aussi que ce cri de désespoir n’avait pu être jeté que par Fabienne, pleurant sa trahison. L’âme inquiète de sa fiancée planait-elle donc, voilée, autour de lui ? Devant ses yeux tourbillonnèrent les objets et les hommes. Il pensa que c’était le ver tige. Le manteau d’hermine de Renée l’attirait comme un abîme. 11 fit un pas de plus. Le sang’ot eut encore un écho mourant. Le capitaine s’arrêta, blême, mais redevenu maître de lui. — Félix ! dit le comte de Champavayre avec sévérité. Le capitaine eut une inclination pleine de noblesse. — Cela ferait un beau couple ! chuchota une dame à l’oreille d’un diplomate. — Que mademoiselle de Haute - Fontaine veuille bien n’en pas douter, dit-il enfin en raf fermissant son accent plein de trouble ; mon dévouement lui appartient ; mais qu elle me pardonne aussi de ne pouvoir... n étant plus libre... que solliciter comme une faveur... et non réclamer comme un droi,t... 1 honneur de la défendre... si jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, la malveillance ou la niaiserie lo rendait néces saire. , , n . On vit frémir les épaules demi-nues de Renée....