Extrait du journal

III (Suite). Puis, il descendait le cours de l’Yonne jusqu’à Auxerre offrant son poisson dans les villages et les grandes fermes, causant avec l’un, buvant avec l’autre, se liant facilement avec tout le mon de, s’exerçant b une mnémotechnie qui, un jour, devait lui redire la fortune des uns et des autres, leurs besoins, leurs passions, leurs faiblesses et le degré de crédit qu’il pouvait leur accorder ; ou bien il se rendait directement A Auxerre les jours de marché, et cherchait à se lier avec les gros marchands, les commerçants de toutes sortes et les gens qui tenaient de près ou de loin b l’industrie du département. Ce (pie, pendant quelques années, Jean Malieorne déploya d’astuce, d’adresse, de persévé rance, de rouerie, ce qu’il classa de faits, d’in cidents, d’observations, de noms, do figures, de chiffres dans sa mémoire, ferait la gloire du plus habile diplomate. Un jour, le père de sa femme disparut de sa maison. Vingt-quatre heures après, son cadavre fut retiré de la rivière par un marinier. Cette mort, dans de pareilles conditions, donna beaucoup b réfléchir. Le bonhomme possédait une petite for tune, la vie lui était facile, il était d’humeur jo yeuse et de bonne santé : on ne put croire à un suicide. Quant b un accident, il était bien im probable, puisque le père Toinet, — c’était son nom, — tout en buvant un coup b l’occasion, ne se grisait jamais et, de sa vie, n’avait mis le pied dans un bateau. Un jasa un peu sur les causes de cet accident,...