Extrait du journal

JE me permets de demander qu’un gardien de la prison de Versailles entre tout à l’heure dans la cellule du nommé Weidmann, déchire son papier, casse sa plume et jette son encrier par la fenêtre. Il paraît en effet — notre ami Bromberger nous en a donné la nouvelle — que le sinistre personnage est occupé à écrire ses mémoires. Nous n’en voulons pas. Aucun hon nête homme n’en peut vouloir. Si vraiment un éditeur améri cain est disposé à les payer deux mille dollars, zut pour cet éditeur américain, zut e,t bren, comme disait notre vieux Mathurin Régnier. Honte* pour le surplus, à ceux qui seraient capables d’acheter et de .ire la confession de l’assassin ! Je n’aime guère la censure. Mais les Droits de l’homme ne sont pas les droits du plus répugnant et du plus sanglant individu. Weidmann a commis assez de crimes déjà. On ne peut lui permettre d’y ajouter celui d’empoisonner les imaginations et de salir les esprits. Au reste, On se demande pourquoi il n’a pas été déjà conduit à la guillotine. Ses forfaits sont patents, il les a avoués. Alors, je voudrais bien admirer la conscience méticuleuse du ma gistrat instructeur. Cependant, depuis tant de mois, son opinion doit être faite et il devrait clore Son dossier. Qu’en pensez-vous, et supportez-vous l’idée que nous logeons et nourrissons le criminel, que nous l’avons chauffé pendant tout l’hiver, que nous lui ouvrons mainte nant des fenêtres pour qu’il respire les brises de Tlle-de... France, et que nous lui fournis sons en outre tout ce qu’il faut pour expliquer la meilleure manière de massacrer une femme par derrière ? H écrit paisiblement ; il a déjà rempli trois cahiers et entame le quatrième. A la fin du mois, il compte avoir achevé cette œuvre sublime. Alors viendra un notaire qui lui fera signer une procuration. Il s’agit de transmettre à ses parents ses droits d’auteur. Ses droits d’auteur ! Disons : ses droits d’assassin puisque, s’il n’avait pas tué, il n’aurait rien à écrire. Je ne sais pas s’il faut une loi nouvelle pour inter dire un tel scandale. J’incline à penser qu’un bon commissaire de police et même un bon gardien de prison y suffirait. Mais enfin, s’il faut une loi, qu’on la vote ! C’est facile et simple, à ce que nous voyons. Elle pourra tenir en un article bref : « H est défendu aux assassins de rien écrire sur leurs crimes. » Car nous avons déjà beaucoup trop de renseignements et les cauchemars ne nous manquent pas. La littérature macabre nous submerge. Mais, disons-le, c’est notre faute. J’ai lu hier, à propos du procès de Liège, le titre que voici : « Devant -un auditoire écœuré, révocation des assassinats de l’empoisonneuse continue ». Hé .! si l’auditoire est écœuré, que ne s’en va-t-il ? Mais il demeure, et ce n’est pas seulement aujourd’hui qu’on a pu blâmer sa curiosité mal saine. Il est bien vieux le mot du président d’assises : « Que lfes honnêtes femmes sortent ! » Une minute se passe, où per sonne ne se lève. Alors le magistrat reprend : « Et main tenant, gardes, faites sortir les autres ! » Venez, gardes ! Faites sortir tout le monde ! Ne permettez pas que les ignobles malfaiteurs soient transformés en héros. Fourrez les cahiers de Weid mann dans la chaudière, et laissez protester l’éditeur amé ricain, et la famille héritière, et Weidmann lui-même qui n’a rien à dire et devrait depuis longtemps avoir perdu l’usage de la parole. Quant à vous, monsieur le juge, dépêchez-vous un peu, s’il vous plaît ! La magnifique croisière en Extrême-Orient du « Fresnel » et de I’ « Achéron » Not sons-marins de 1.S00 tonnes assurent couramment, depuis trois ans déjà, la liaison entre la métro pole et nos plus lointaines colonies >► Voir l’article page 5....