Extrait du journal

L’hiver a été dur et n’a pas fini de l’être. On se souvient, le cœur serré; des jours d’Artois en, 1917, où il fajsait 12 degrés sous zéro et- où ■ le métier de motocycliste d’infanterie n’était pas gai. Mais l’infanterie couchait dans des granges .sans, paille, alors que nous nous débrouillions toujours pour avoir le même abri que les machinés.;. Elle couchait sur la pierre dure et lé toit ne fermait jamais., J’ai pensé ces jours-ci à ceux qui. moururent en Artois en lisant qu’une ’ œuvre à Paris recùeillàit les vieux journaux pour en tapisser-la terre! d’un asile de nuit ! • Nous avons été trop riches. Tout le monde a cru que 1929 allajt durer éternellement et que le .moindre épicier de village ferait fortune en deux ans, toujours. On -revient sans doute à une : vie normale, celle d’autrefois,' où il fallait gagner son existence toute sa; vie- et n’être jamais riche, et se trouver juste à son aise vers la fin. Ce n’est pas cela qui est terrible, mais le passage de l’un à l’autre état de:choses. Ainsi lorsqu’au printemps l’été souriait déjà et qu’une giboulée ou un coup de vent bat de pluie froide les.fenêtres et fait grelotter des dos rcourants vers les portes... ; , £ £ & Nous n’avons pas pitié de ceux qui avaient quinze chevaux et qui n’en ont plus que six sous leur capot. Nous n’avons pas pitié^ non. plus, et cela peut paraître dur, mais il faut avoir l’énergie de le dire, de l’homme de quarante ans qui se porté bien. II .peut résister à tout, même à la. faim, pendant, fin certain temps. Il ‘est bon pour, un homme de ne jamais se déshabituer du combat. C’est aux faibles qu’il faut songer, aux faibles qui entourent des forts provisoirement abattus, à‘ tout ce qui, dans la nature, ne peut se défendre et qui, dans une grapde misère, est le premier puni sans avoir péché. "Seule la faiblessemous émeut. Celle des animaux, qui nous hâyre toujours et fait souhaiter qpe. Dieu, plus tard, crée un monde où les animaux gouvernent les hommes et leur rendent pendant deux mille ans ce qu’ils ont, souffert. Celle des petits, toujours les premiers sacrifiés, quoi qu’il paraisse, car, dans un naufrage en mer, chacun s’écrie : .«.-■Sauvez les enfants ! », mais celui qui hurle cela, continue à nager et l’enfant coule. Que de gosses qui n’avaient pas beaucoup Connu les gâteaux et qui n’ont maintenant presque plus‘de pain î Des malades, enfin. ‘‘■J. . 4 & & Gémir ne sert à rien. Agissez. Que faire ? Il existe des œuvres excellentes pour les malades, les pauvres et les vaincus de toutes sortes, celle du juge Rollet. le Chantier aussi, celle de l’ad mirable docteur Bruno et le préventorium de Mme Gonse, et l’assistance aux enfants de Mme Spitzer, mille autres, je ferais mieux de ne citer personne de! peur d’oublier les meilleures. II y a les Petits Lits Blancs, grâce auxquels tout Paris reste debout et oublie son lit à soi pour que de petites têtes qui eussent couché sur la dure, ou eussent même clos pour toujours leurs yeux innocents, connaissent la douceur d’un lit chaud. A toutes les œuvres que vous connaissez, vous devez cet hiver envoyer de l’argent, plus que l’année dernière, pour la même raison que vous devez repousser l’affreux tapeur à domicile et le diriger vers elles. Mais vous ne serez pas quittes avec de l’argent. Il y a peut-être, pour vous, tout de suite, aujour d’hui, quelque chose à faire. Ceux que vous ne connaissez pas personnellement ? Il est impossible de; les recommander. Mais ceux, et ils se font chaque jour plus., nombreux dans votre entourage comme dans le nôtre, qui viennent à vous en vous disant : « Aidéz-moi par vos relations, vous me connaissez, vous savez qui je suis ! » Eh bien; ceux-là, ne les abandonnez pas; non plus qu’on ne doit abandonner un homme qui se noie. . Et puis, bien entendu, s’il vous reste, dé l’argent, achetez, vivez, libérez des ressources cachées. Les coffres clos font les cheminées sans feu. N’attendez pas qu’on vous demande en secours de chômage — ce qui vous arrivera fatalement si vous cachez votre argent — ce que vous eussiez mieux fait de dépenser en postes de T.S.F. et en chapeaux. Grâce à vous, la pauvre femme qui ne sait comment soigner sa petite malade gardera son emploi au lieu de le perdre, comme tant d’autres, et de s’entendre dire : « ...Plus de travail ! » La moitié de l’huma nité lie peut pas tendre la'main à l’autre, il faut, qu’elles se tendent la main toutes les deux. Vous aideriez un chauffeur en panne ? Ecrire une lettre est...