Extrait du journal

dons /l’autre chalut du bord opposé < : > le poisson, avant tout, e Je commençais à craindre d'avoi-r ' apporté ' la malchance sur-le bateau. Non, nous n'avons eu qu’une avarie. Mais il n’est pas rare que l’équipage res te ainsi douze heures sur le fond.-Dans la nuit interminable, les yeux se fer ment. Il faut des-plaisanteries pour- les réveiller. Je veux arriver au relevage du cha lut. Le-bateau, en travers à la lame, vi re du bord du vent. Je veux y arriver, parce que rien n'est plus joli. On ne voit que dos ronds sur le bord, penchés vers le mou du filet afin de le hisser. Les treuils se chargent de la partie raidie par la canche. Le patron voit se hisser l’immense poche ronde. Elle me semble avoir bon aspect, mais lui fait la moue : — Bien des saletés, là-dedans. Enfin! Un matelot se précipite pour larguer la ligne solide qui ferme les dernières mailles, et sur le pont, dans un espace vide, l’avalanche de poissons s’abat. Les coups de queue résonnent sur le bols. Les raies résignées ouvrent une bouche quasi humaine. Les maquereaux, les merlans sont bien sages : ils meurent. Mais les roussettes à la fourrure de léo pard, les congres font des bonds éper dus, ne voulant pas, ces jeunes captifs, mourir encore. On imagine la débauche de couleurs, sous le soleil. Couleurs qui vont se ranger, par sê* ries, dans les paniers de la glacière. J’allais rêver, envahi d’une vie végé tale, lorsque, dans le fond du filet, un marin trouva et m’apporta un frag ment de journal anglais. Car on trouve de tout dans u» chalut. Devant ce rap pel, il ne fallait plus songer qu’à l’effort humain, splendide. Il a suivi le sort de ce poisson* jus qu’à la criée de la poissonnerie. On va redescendre les lourdes pièces de bois. Les ferrures, braves bêtes tê tues, vont bien râcler le fond pendant trois nouvelles heures. Elles brillent comme de l’argent. — Y. D....