Extrait du journal

PÉRIODE ÉLECTORALE Les murs de Paris commencent à se cot vrir d’affiches multicolores. Le rouge et le jaune se marient agréablement au vert et au bleu. C’est très pittoresque. Les colleurs sont hommes d’imagination. Us en fourrent partout. La place de la Concorde est déjà fortement attaquée : les chevaux de Marly n’ont pas été épargnés. Dans les rues, ou garnit les réverbères, la devanture des boutiques et les encoignures des portes, à la grande colère des concierges. Ces der niers ne sont pas tous des philosophes. Ar més d’un seau d’eau et d’une éponge, ils grattent l’affiche dès qu’elle est posée : joie pour les entrepreneurs de publicité qui ne demandent qu’à coller, coller tout le temps. Et la période électorale est à peine ouverte I Que vont devenir les murs en trois se maines ? Les voilà bien; les maisons de pa pier ! C’est que les élections s’annoncent comme très passionnées. Si je ne craignais de faire ici de la politique, ce qui n’est point ma tâche, je dirais que l’acuité des circonstan ces présentes aura son contre-coup dans les votes du mois prochain. On va s’en payer (le se-juter de la bouc au. visage l Durant les périodes électorales, les appréciations, les discours, les mots perdent, il est vrai, de leur sens absolu. Il suffit que vous ne soyez pas entièrement de l’avis du voisin pour que celui-ci vous agonise d’injures. Les mots d’assassin, de voleur, d’escroc, de sou teneur, sont le plus souvent employés. Us ne veulent pas dire que vous ayez tué quel qu’un, pris de l’argent dans une caisse, ou que vous viviez aux dépens d’une demoi selle sans vertu : ils signifient tout simple ment que la personne qui emploie ces'expressions est indignée que vous ne pensiez pas comme elle. 1 Et si encore on s’en tenait aux paroles I Mais c’est qu’à l’approche du scrutin, on voit sortir de vagues imprimeries un tas de petits papiers qui s’intitulent journaux et qui prennent à partie les infortunés candi dats. C’est de la polémique, parait-il. Et, dans ces torchons, les pauvres gens qui ré clament les suffrages de leurs contempo rains sont traités avec toute l’aménité que vous devinez. Impossible d’imaginer ce que l’on invente sur leur compte. On exploite non seulement les défauts de leur carac tère, ou les inévitables défaillances de leur vie publique pour les présenter comme les pires gredins. .Citerài-je des faits ? a p. pellerai-je tout ce qui fut dit précédem ment sur les hommes qui depuis ont honoré la France et la République ? Ce qu’il y a de regrettable dans ces façons d’agir, dans cette violence abominable, c’est qu’un grand nombre d’hommes de haute intelligence et de véritable savoir reculent devant une période électorale, devant l’ignominie des attaques dont ils pourraient être l’objet, et privent ainsi leur pays d’un concours pré cieux. . . n : J U faut être doué d’un certain courage pour affronter gaillardement la pluie de sottises que l’on va se permettre à votre égard. Si, encore, on était sûr que l’Ofi— va. sur votre compte» ne propager que le...