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L’Intransigeant, 23 mai 1897

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L’Intransigeant
23 mai 1897


Extrait du journal

LE COCHER GEORGES Le nouveau légionnaire habite 33, rue du Champ-de-Mars. C’est un petit hôtel meublé situé non loin de l’avenue Bos quet, tenu par M. Marragonis. Lorsque l’on a escaladé (c'est le mot) l’es calier de l’immeuble, on arrive au deuxième étage, ou plus exactement au premier étage et demi. ; C’est là que se trouve la chambre du co cher Georges, ancien cavalier au 10a régi ment de dragons. Imaginez une petite pièce de trois ou quatre mètres carrés, garnie , d'un lit de fer* une table, deux chaises et une malle en guise de commode. Eugène Georges est le seul locataire de la chambre. En effet, il est veuf et son en fant unique est dans une petite pension de la rue Koussiu ; il paie son instruction en faisant une trop large brèche à ses jour nées de travail. Le brave homme est: encore, quand nous le rencontrons, sous le coup de l'émotion que lui a causée la cérémonie au cours de laquelle on .lui a décerné la croix qui brille sur sa poitrine. La joie du nouveau légionnaire est dé bordante. Mais dans la sorte d’exhaltation qui l’agite , il oublie absolument . la cause première de son bonheur. Il ne pense qu’à l’honneur qui retombe sur sa corporation. — Pensez dono ! nous dit-il, les cama rades vont être contents ! Et puis, le petit, il peut être fier de son père ! Georges nous présente un petit garçon que l’on a fait sortir de sa pension pour venir embrasser son père. L’enfant, âgé de deux ans, à la mine éveillée, jette, de temps à autre, sur la croix un regard plein de .curiosité. Nous demandons au cocher quelque? dé tails sur les sauvetages qu’il a opérés : « r- C’est difficile à expliquer, noue répondit-il. J’avais été remercié la veille et je me trouvais % proximité de la rue JeanGoujon quand j’entendis des cris et j’aper çus les flammes qui s’élevaient à une grande hauteur. .» Je courus et j'entrai dans le Bazar, que le feu n’avait pas encore envahi complète ment. Je sortis cinq personnes; C’était la première fournée. J’ai appris que parmi ces cinq victimes se trouvait le général Munier, que l’on jeta dans un baquet plein d’eàu, car ses vêtements brûlaient. • Ah! je n'oublierai jamais le spectacle qu'offrait'l'intérieur du Bazar et les cris désespérés des victimes! » En plusieurs voyages, je tirai encore du brasier cinq autres personnes. La on zième que J’arrachai du feu était tout en flammes. Elle n’avait plus de pieds. Elle me fondait littéralement dans les mains. La graisse .qui coulait me brûlait horrible ment. Les souffrances qu’elle endurait dé terminaient chez elle des mouvements si violents qu’elle me fit rouler sur le pavé. C’est dans cette chuté que je me fis mal au côté. La malheureuse n’a du reste pas sur vécu. Quant âmes autres blessures, pro voquées presque toutes par la graisse des gens que je tirai du feu, elles sont cicatri sées, ou à peu près. » Enfin, j’ai fait ce que j’ai pu, et je re grette que ça ait brûlé si rapidement, car j’en aurais encore sauvé d’autres. ■ Lorsque nous quittons lie brave cdctW....

À propos

Fondé en 1880 par Eugène Mayer, L’Intransigeant était un quotidien de tendance socialiste. Ce qui ne l’empêcha pas, lors de l’affaire Dreyfus, de se laisser aller à un antisémitisme farouche.

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