Extrait du journal

«Je suis parfaitement de votre avis; il faut laisser bouillir le mouton, mais il ne faut pas que nos amis se découragent. pGénéral Boulanger.» - — Alors, si le temps de l’exil doit se pro longer, pourquoi le général a-t-il quitté Londres? — C’est moi qui le lui ai conseillé. Vous comprenez qu’ici le général, qui est très aimé des Anglais, était obligé d’aller beau coup dans le monde. Cela se comprend, du reste; parce que, pour ce peuple qui ne connaît que les choses légales et honnêtes, le général devait fatalement arriver au pou voir. On se disait : « 11 a la majorité des voix, les autres vont s’en aller pour lui céder la place. » On n’admettait pas qu’il pût y avoir des tripotages électoraux, et partout on le recevait comme le futur chef de la nation. Naturellement, il était obligé de mener un train au delà de ses moyens. De là des dé penses qui n’auraient pu se continuer si les choses se prolongeaient: alors je l’ai en gagé à aller à Jersey, qui est un pays su perbe et où la vie est moins chère. — Cependant, on a toujours dit que le général avait à sa disposition de nombreux capitaux. —Encore une bonne fable que l’argent boulangiste ! A ce propos, je puis vous dire qu’à moi le boulangisme coûte cent trentecinq mille francs. Vaughan est venu me voir la semaine dernière ; je lui ai demandé ce que nous avions dépensé, et voilà le chiure qu’il m’a donné. Si l’on en croit nos adversaires, le général et moi; nous nous sommes enrichis dans le boulangisme. C’est aussi vrai que lorsqu’on raconte que je perds trois cent mille francs par an aux courses. Quand j’étais à Paris, j’al lais aux courses pour respirer l’air et n’ai jamais parié plus de dix francs. Voilà comme on écrit l’histoire I N’empêche qu’aujourd’hui on répète encore que je suis un joueur enragé ; le Radical l’impri mait hier. Il trouve étonnant que je fasse des articles contre le pari mutuel. Oui, j’en fais et j’en ferai, parce que le pari mutuel est une escroquerie et que le peuple est assez volé d’autre façon. Là-dessus, voilà Rochefort parti, qui me donne de fort intéressantes explications sur la façon de procéder des individus qui sè livrent à l’industrie lucrative mais mal honnête du pari mutuel. Quand il a fini, je lui demande s’il s’ennuie à Londres. — Moi, pas du tout; je ne me suis pas ennuyé une minute; je me porte bien mieux qu’à Paris ; j’ai un appétit d’enfer, je me promène, et, comme dans Londres il y a tous les trésors du monde, je découvre chaque jour un tableau ou un bibelot de valeur. -...