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L’Intransigeant, 29 octobre 1932

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L’Intransigeant
29 octobre 1932


Extrait du journal

.. ® Une haute tension de vitalité etemt la peur, à la manière de I alcool. ® Les lâches survivent. Donc, il faut bien reconnaître que leur lâchèié est justifiée. ® Saint-Just « Les circonstan ces ne sont difficilles que pour ceux qui reculent devant le tom beau ». D’abord on admire cet éclat sombre, et on adhère avec passion. Ensuite on se dit que c est' trop facile de se tirer des circonstances en mourant. Ce n’est pas cela qu’on demande à un homme. On lui demande de domi ner les circonstances en. vivant; Il faut qu’on renonce à nous présen ter toujours le tombeau comme une solution, ® « De l’audace ! Toujours de l’audace ! » Qu’est-ce à dire ? Ce serait trop simple s’iï suffisait d’oser. On en, serait qhitte pour une lutte plus ou moins dure avec la bête, pour « s’enlever » comme on enlève un cheval sur l’obstacle; et le but serait atteint d’emblée. II n’en est rien, et il est navrant, au contraire, que les circonstances nous donnent si souvent raison d’avoir été pusillanime.' Il y a les réussites- ravissantes de l’audace. Il y a aussi ses catastrophes. Quoi de plus fréquent que le courage puni ? ® Au feu, la physiologie com mande à un tel point que les con damnations pour abandon de poste, comme aussi bien les citations; ne peuvent être tenues que pour des présomptions, non des preuves. Le Conseil., de guerre est une . pré somption de lâcheté, la citation une présomption de bravoure. C’est tout. ® Pour oser, il- faut être bien nourri.- » - ’ V Et oser dans tous les ' sens. Quelqu’un qui avait eu une con damnation me disait: « J’ai avoué parce que j’ai été ■ interrogé à il heures et que je-n’avais pas pris de petit déjeuner. Si j’avais -été interrogé après déjeuner, jamais je n'aurais avoué. ». ... r ® Chez certaines natures,-jl'n’y. a pas' de moral qui. tienne, simple ment devant le' bruit* Un homme plein de générosité se sait dans un abri- bétonné à toute épreuve, où il n’a rien à craindre, en un instant le bruit des éclatements fait de lui une loque, pareille au. misérable qui ressent le mal de mer, ou seulement ses prodromes, et1 qui, si le bateau sombre, sa chant qu’avec quelques gestes, il risque de sauver sa vie (mettre la ceinture de sauvetage, aller au ca not), ne pourra, les faire, tant il . est anéanti. ® J’ai longtemps cru que l’hom me qui allumait une cigarette au moment où il ayait peur le faisait pour bluffer : Voyez comme j’ai l’esprit libre ». Il y a peu de temps que j’ai compris ce que tout le monde savait : que c’était là un réflexe sans fard de l’inquiétude, donc un aveu, c’est-à-dire le con traire précisément du mensonge que je croyais. ® On a peu étudié la peur phy sique. Je pourrais citer maints remarquables livres de guerre, écrits par des combattants, où ce sentiment n’est pas évoqué une seule fois. Les gens ont honte de montrer qu’ils connaissent la peur, et cette honte travaille dans le sens de leur intérêt. Quelque cou rage, en effet, qu’on se croie obligé de vous reconnaître, d’oser avouer que vous avez eu peur, cet aveu sera retourné un jour contre vous. Pour une belle nature, il est tentant d’avouer. Mais le vieil axiome judiciaire reste vrai •«.N’avouez jamais. » • Le silence, succédant à un long bombardement, peut amener en vous une défaillance. que le bombardement n’avait pas aine née. Cette sécurité qui ranime en nous l’idée du péril, me fait son ger à la pensée de Pascal, que c’est le pardon qui- nous révèle nos péchés. . • ® On entend dire : « C’est le poltron qui rabâche du courage. On admire surtout ce qui vous manque ». On entend dire aussi « Il m'y a que les héros qui. aiment le héros. Les lâches le haïssent ». Et ces deux axiomes sont vrais. ® Cè qui coûte le plus, quand on risque sa vie, ce n’est pas de ris quer sa vie, c’est de risquer sa santé (si l’on n’est que blessé). • En tout péril j’ai toujours insisté, jusqu’à l’excès, sur les rai sons qu’il y avait de craindre, pré férant, si haut que je mette le courage, d’être accusé d’un défaut de courage, que d’un défaut de lu cidité. . • On peut varier du tout, par de menues rectifications, le plaisir qu’on se tire d’un péril. Par exem ple, après y avoir été en armes, on peut y aller désarmé, et substituer ainsi à l’amusement d’une lutte possible l’amusement d’un acte de foi dans sa fortune et dans le hasard, „...

À propos

Fondé en 1880 par Eugène Mayer, L’Intransigeant était un quotidien de tendance socialiste. Ce qui ne l’empêcha pas, lors de l’affaire Dreyfus, de se laisser aller à un antisémitisme farouche.

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