Extrait du journal

La guerre est une affaire, elle est le type même du big business. On ne l'a déclenchée que parce qu'elle ouvrait des perspectives de gains fabuleux, parce qu'elle allait résorber le chômage, parce qu'elle allait permettre au système économique de sortir de l'impasse où il était enfermé. La production de guerre ne se développe que sous le signe du profit. Un peuple formé à l'adoration de l'argent, pour qui un homme s'évalue en langage de Bourse, ne saurait brusquement modifier son système de références et réformer son esprit. Si d'ailleurs la mobilisation signifiait pour lui l'entrée dans un autre cadre de pensée et de sentiment, un changement radical et complet d'atmosphère, il y eût sans doute regardé à deux fois. L'Amérique fait la guerre à l'américaine, voilà tout. Les compagnons élémentaires qui mènent leurs bombardiers à travers le ciel d'Europe conduisaient hier des camions. Ils gagnent mieux leur vie, en la risquant. Inutile de leur demander pourquoi ils se battent, cette raison suffit amplement. On nous affirmait l'autre jour que des aviateurs américains, tombés en Allemagne et faits prisonniers, et prêts à sortir de l'hôpital pour gagner le camp, s'étonnaient qu'on ne leur offrît pas de prendre du service dams l'aviation européenne. Aux mêmes conditions, bien entendu- Ils étaient aussi indifféremment disposés à bombarder Londres que Berlin. A ce degré de tranquille Inconscience, on se sent pris de vertige....