Extrait du journal

complaisance pour leur donner quelques jours agréables, avant que d'abattre sur eux la malédiction de misère ce Paradis, déja perdu, où tombe le crépuscule, où déjà s'annonce le premier automne, c'est le monde tel que le voit Colette, encore neuf et vivace, où le péché reste encore ingénu. Les couples amoureux dont elle se plaît à le peupler sont hélas! moins vénérables que nos premiers parents. Mais ils gardent un air d' « innocents P, au sens où Francis Carco emploie ce mot. La pomme qu'ils ont croquée ne leur a pas encore donné la science du bien et du mal, et ils méritent l'indulgence du souverain juge pour avoir « agi sans discernement Je ne referai pas l'histoire de la longue et intime amitié qui unit Colette à la Bretagne. Charles Chassé l'a trop bien contée dans la nrelagne Touristique. Dès qu'elle l'eut connue, elle l'aima. Mieux que personne, elle a senti la délicatesse de son ciel couleur de perle, la paix mélancolique de « son rivage effrité, qu'évente faiblement l'été. une vague fleurie d'oeillets blancs. Avec quel art elle décrit ces flaques transparentes, aux cieux des rochers sans algues, leur eau verte pareille à celle que l'huître retient dans sa coquille de nacre, si diaphane qu'elles ne retiennent pas même le reflet du ciel. La crevette de cornaline y nage à petits bonds, guerrière casquée aux antennes frémissantes. On entend, sous les roches claquer la queue du homard et clapoter sourdement le congre. Et l'affreux poulpe parfois les traverse à la nage, secouant sa chevelure de gorgone....