Extrait du journal

Le hateau portant les forçats du dernier convoi est en route pour la "Guyane. Son départ de Saint-Martinde-Ré a fourni à la grande presse matière à force gloses. On a fait a quelques-uns de ces hommes l'honBeur de la vedette, je veux dire de la manchette. Des âmes sensibles ont pleuré sur leur sort. Leur sort, assurément, est inégal. Si, par le moyen de quelque rayon X. nous pénétrions sous la voùte des crânes, au fond des consciences, ce serait pour contempler un spectacle divers. Ici, le remords là, rien du tout ailleurs, la colère recuite. La diversité des types, au bagne comme partout, est grande pareillement celle des mentalités, et les àmes des « bagnards » n'ont d'autre parenté qu'un très vague cousinage. Nous avons entendu conter, sur !e plateau de la Cour d'assises, des histoires bien dissemblables. Le meurtre est toujours le meurtre, c'est entendu, et c'est à la victime, non pas au criminel, que nous devons penser d'abord. Mais ni les conditions matérielles du crime, ni les données psychologiques du criminel ne se répètent de façon absolue. De même qu'il y a des degrés dans le vice, il y a une gradation du crime, une hiérarchie des criminels. Il y a. dans ce domaine, comme en mathématiques, le plus et le moins. Voulez-vous que, sans prétendre à rien découvrir, nous nous appliquions un moment à y déceler le superlatif » ? La brute, comme le sot, trouve toujours une brute à admirer, je veux dire une âme plus enfoncée qu'ellemême dans l'animalité....