Extrait du journal

S'il fallait exprimer les sentiments qui agitent nos âmes depuis quatre jours, depuis ce communiqué de 23 heures qui nous parvint dans la nuit de samedi à dimanche et q-ii nous annonçait le déclenchement de l'offensive franco-anglaise sur un front de 40 kilomètres, je sens bien que les mots me manqueraient. Je suis comme vous et rien de ce que vous pouvez éprouver en un tel moment, ne m'est étranger. Toutes les émotions, la joie des premiers succès, l'attente passionnée des dépêches qui les expliquent, qui nous les montrent dans leur développement méthodique et régulier l'espérance qui fait battre le coeur l'élan qui, par instants, emporte l'imaginat.ion bien au delà des possibilités imm "iates et substitue à la dure réalité de cette guerre de positions fortifiées, le rêve d'une guerre plus libre où, dans de vastes plaines, l'antique panache "eprendrait ses droits, où l'on "errait les étendards de. France, !l'envolant au dessus des baïonnettes et des sabres de cavalerie. rétablir le règne de la spiritualité et disloquer, disperser, anéantir, sous les rayons d'un soleil glorieux, toute cette matière organisée qui, depuis deux ans, écrase notre sol et barre not.re "-orizon tout cela m'est connu, et je ne serais pas do ma race si je n'étais pas obligé, plusieurs fois nar jour, d'imposer silence à tous ces clairons de victoire que mon enthousiasma fait sonner et de fermer les yeux sur les visions éclatantes du triomphe final et de la grande revanche 1. Oui, je comprends vos imoatiences, amis. car elles sont miennes. Et ie n'en rougis point, et même j'en suis fier. Pourtant, il faut au'elles se taisent. Il faut leur imposer les lois de la raison et de la prudence et non pas les abolir, mais les refouler au plus profond de nous-mêmes, comme dans un sanctuaire recueilli où elles continueront d'être le ,ne de. notre foi patriotique et l'excitant continuel de nos ambitions les plus saintes, sans nous exposer néa.nmoins aux joies nrématurées, nées de l'illusion et de la fièvre....