Extrait du journal

Ce Juif à peine débarqué, pour chercher fortune4 d'un lointain Orient et qui caresse ,titre ses doigts nerveux l'étoffe qu'il veut vous vendre, ou qui fait jouer la serrure du meuble que vous avez remarqué en passant devant sa boutique, ce Juif aux cheveux frisés, au regard doux, où la ruse et la certitude de vaincre brillent parfois dans un éclair, fuel être mystérieux Arrivé d'hier, il est encore tout occupé à se décrasser de son accent étranger, à étudier nos vêtements, nos gestes, notre allure pour paraître semblable à l'un de nous, et il semble établi depuis des siècles derrière ce comptoir de marchand, ou dans cette sombre boutique de bric à brac. Vous ne savez rien de lui. mais lui vous devine et, servi par l'instinct éternel de sa race, il déchiffre en vous votre pensée, mesure la force de votre désir, soupèse le poids de votre bourse. Quelque part dans les faubourgs, il a logé sa nichée une femme lourde aux beaux traits, tôt noyés d'embonpoint, de petits enfants aux. grosses têtes, aux lèvreç trop rouges. Il est heureux s'il a pu rencontrer quelque vieux pavillon délabré dont le toit recouvert de zinc forme terrasse. Vous l'y verrez les soirs d'été banqueter en famille. Le Pieux pèr à barbe blanche, drapé d'une robe de chambre sordide et chaussé de babouches, oréside la table dans son fauteuil, trône de patriarche, entouré du grouillement des enfants. Et quand paraîtra la première étoile, leurs voix alternées et rauques chanteront Jes psaumes sacrés....