Extrait du journal

Aucun livre n'est plus amusant, ni plus traître, qu'un dictionnaire. Nous le prenons pour y chercher le sens d'un mot de ce mot, nous sautons à un autre. Une heure après, nous sommes encore plongés dans le gros volume. Vous souvenez-vous de ce conte où l'oiseau bleu se pose a quelques pas du chasseur et, chaque fois qu'il va le saisir, s'envole un peu plus loin, si bien qu au soir tombant, l'ensorcelé se trouve au cœur de la forêt et ne sait plus le chemin du retour T C'est le symbole parfait de ces écoles buissonnières auxquelles nous invitent les Lexiques. Ce sont eux, les Lexiques. qui em pèchent nos écoliers d'apprendre les langues, comme les hautes maisons empêchaient le paysan de voir la ville. Au lieu de mérti^r sur leur texte, ils piochent avec fureur leur glossaire et l'exercice d'assouplissement et de réflexion que la version leur propose se transforme en jeu de puzzle. N'en doutez pas, me dit ce vieux professeur, nos élèves ne savent plus le latin, parce qu'ils ont en mains des dictionnaires trop complets, et qu'ils en usent avec excès. Nos grands-pères se faisaient à eux-mêmes leur cahier d'expressions •, en dépouillant, par une lecture assidue, les bons auteurs. Ainsi, ils apprenaient le latin, et ne l'oubliaient plus. L'excessive commodité des Instruments de travail affaiblit Ia capacité d'effort, et la valeur du résultat eet en proportion de l'effort qu'il a coûté. »...