Extrait du journal

Votre bateau est le dernier qui cette année, pendant le court répit des glaces, parviendra jusqu'au fond de ce nord. Demain, les icebergs descendront sur la route des courants, la neige et la nuit tomberont ensemble, trois mois de nuit, neuf mois de neige. Le thermomètre, lui, tombera jusqu'à 37! Toute vie a disparu de cette terre maudite où seuls les lichens et les mousses polaires s'accrochent en taches à la pierre noire. Les rennes ont émigré au fond d'une vallée mieux abritée, les renards faméliques ont déserté. Il n'est pas jusqu'aux oiseaux dont le vol et les cris animent pourtant toutes les solitudes du Spitzberg qui n'aient fui cette baie glacée. Et pourtant quand nous y abordions, voici quelques semaines, elle retentissait du grand bruit du travail humain. On trouve au seuil même du pôle, sur ce Spitzberg qui servit de tout temps de tremplin pour le dernier bond vers l'axe de la terre, sur le Spitzberg de Barents, d'Andrée, d'Amundsen, de Nobile, des hommes qui vivent là toute l'année, dans la nuit, au coeur même du sol glacé, des mineurs, et des mineurs russes. C'est qu'en effet le Spitzberg est .un bloc minéral où le charbon affleure partout. Ces montagnes noires sont de houille. Il n'est pas même besoin de se baisser pour en prendre vous entaillez la mine comme on entaille une carrière. à ciel ouvert. Est-il besoin d'ajouter que par ces froids qui congèlent l'alcool et la chair vivante, il est inutile de prévoir un boisage des galeries, car la terre est plus dure que le roc, des pompes d'épuisement, car l'eau y reste solide. Ces :ond1tions économiques d'exploitation ont fixé là une colonie de mineurs soviétiques....