Extrait du journal

L'intelligence robuste et le solide sangfroid de M, le Président de la République nous ont évité les inconvénients d'une crise ministérielle qui, dans les circonstances actuelles, n'avait de raison d'être ni du point de vue de la logique politique, ni de celui du droit constitutionnel. Encore que la Haute-Cour de Justice, saisie par le Gouvernement d'un attentat du Parti communiste français à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, soit une juridiction de l'ordre politique, il n'en reste pas moins que le principe de la séparation des pouvoirs, dans ce domaine comme dans tous les autres, doit être maintenu. A partir du moment où le Sénat, cessant d'être une assemblée législative, est constitué en Cour judiciaire, il se trouve par là même sur un autre plan que celui du gouvernement. Il devient un tribunal, une réunion de magistrats chargés de l'interprétation et de l'application de la loi. La prérogative nécessaire, essentielle d'un tribunal, c'est l'indépendance des juges et la liberté de leurs décisions. En se déclarant incompétente pour connaître de l'affaire qui lui était soumise, la Haute-Cour avait-elle l'arrière-pensée d'iniliger un échec au gouvernement qui l'avait saisie ?. C'est possible. Mais le gouvernement ne devait pas s'alarmer de celte manifestation et, surtout, il ne devait pas la retenir comme un motif valable de démission. Un semblable précédent, s'il avait été admis par M. Millerand, aurait eu pour conséquence de. lier si étroitement l'un à l'autre l'Exécutif et le Judiciaire que l'institution de la HauteCour, déjà si décriée, aurait été frappée, en raison de sa subordination au pouvoir uoliligue, d'un discrédit définitif. On s'explique difficilement que M. Poincaré, juriste éminent, n'ait pas vu cela....