Extrait du journal
L'Eglise vient de perdre le cardinal Bourret. Cet évêque si insulté en ces derniers temps et que l'insulte n'a peut-être pas trouvé assez insensible, était une des forces du clergé français. Il comptait parmi les maî tres de la science ecclésiastique et cette science qu'il avait toujours cul tivée, il savait la répandre et la faire aimer. Le diocèse de Rodez, si fécond en missionnaires, est aussi l'un de ceux où depuis 25 ans on a le plus et le mieux étudié. Quels beaux et solides programmes de travaux nécessaires et féconds Mgr Bourret adressait à ses prêtres ! Avec quelle sollicitude demaître et de père il en surveillait" l'application ! C'est en 1871 que l'abbé Bourret, docteur en théologie, docteur èslettres, professeur de droit ecclésias tique à la Sorbonne, fut appelé à l'évêché de Rodez. Son savoir, la fermeté de son esprit, la dignité de sa vie ecclésiastique le désignaient pour l'épiscopat. D'autres raconteront en détail ce qu'il a fait comme évê que. Je me borne à répéter qu'il a fait du bien, beaucoup de bien. Il laisse dans son diocèse de grands re grets. Si deux ou trois de ses prêtres, restés anonymes, ont participé à l'in digne campagne menée il y a quel ques mois contre lui, je ne doute pas qu'ils en aient aujourd'hui des re mords. Ils devraient en instruire les journaux qui par passion politique ou amour du bruit leur ont alors avec un empressement misérable ouvert leurs colonnes. Ce n'est pas le moment de discuter ces outrages, mais quand on sait que l'éminent évêque qui vient de mourir en a souffert, comment n'y pas songer? Bien ^n'ayant longtemps vécu dans un milieu où l'Univers rencontrait peu de sympathie, l'abbé Bourret n'a jamais été de nos adversaires. Son fond romain, sa culture littéraire, son goût très vif pour les choses de l'esprit le portaient vers Louis Veuillot. Nous en avons eu quelques preuves en des temps orageux. Comme évêque, il a toujours été de nos amis. Il fut de ceux, lorsque mon frère mourut, qui m'exprimèrent avec cœur leurs re grets. Après avoir loué « le grand écrivain et ce qui est meilleur,- le grand chrétien, le grand champion de Dieu et de ses droits », il ajou tait : « J'ai dit la messe pour lui ce matin et je désire qu'à la paix de cette âme qui aima la vérité et la justice avec passion, le Consolateur suprême ajoute pour vous tous ce baume particulier que donnent aux plus cruelles blessures les saintes es pérances de l'Eternité. » Durant les diverses luttes des der nières années, Mgr Bourret fut tou jours de ceux dont la sympathie et les conseils nous soutinrent. On a prétendu qu'il était porté aux con cessions. C'est fausser la note. II craignait que beaucoup de catholi ques réputés militants, fussent plus amoureux du bruit que de l'action, et par crainte de voir l'effacement suc céder très vite aux menaces, il étu diait volontiers les propositions d'accommodement. S'il avait cru que tous ceux qui appelaient le péril et promettaient merveille entreraient sérieusement en ligue lorsqu'il fau drait combattre, il se fût gardé de toute hésitation. Il y a sept ou huit ans, au lendemain d'un vigoureux discours de Mgr Fréppel contre le ministère de ce moment-là, il me disait de sa voix un peu lente et avec une aimable familiarité : — « Le jour viendra et il peut être proche où tous les évêques dévront marcher. Freppel prendra la tête; c'est presque dans sa situation et c'est tout à fait dans son caractère. Je ne serai pas le premier à le suivre : j'aime à réfléchir ; mais je ne serai pas non plus des der niers. Je connais mon monde et je calcule que vous me verrez entrer en ligne avec le numéro 6 ou 7. » Faut-il ajouter que l'évêque de Rodez aurait eu un petit1 sacrifice à faire pour se mettre derrière l'évêque d'Angers? Tous deux avaient professé à la Sor bonne et s'étaient vus beaucoup ; chacun d'eux rendait hommage au savoir et aux vertus de l'autre, mais ils ne paraissaient pas. s'aimer autant qu'ils s'estimaient. Mgr Bourret ne se trompait pas sur lui même en disant qu'au moment voulu il saurait entrer résolument dans la lutte. Nos gouvernants s'en doutaient. S'ils avaient vu en lui un complaisant ou un craintif dont ils ne devaient rien craindre, ils auraient tenté de lui faire accepter un siège épiscopal plus en vue. Au contraire, il était noté à la direction des cultes comme un prélat dont l'action pour rait en certains cas être à redouter, M. Dumay se défiait de lui. Ma dernière conversation avec le cardinal Bourret remonte à l'an der nier ; elle a naturellement porté sur la loi d'abonnement. Nul ne voyait mieux que lui l'iniquité, de cette loi et ne désirait plus vivement en déli vrer les congrégations. Seulement il n'entendait pas ce travail comme l'ont entendu d'autres qui ont eu la majorité dans l'opinion. Il a été très modéré, très discret dans l'expression de son avis. Gela je désirais et je pou...
À propos
Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.
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