Extrait du journal
nuit de tortures morales inénarrables, elles se suicidèrent au milieu du plus affreux désespoir, non sans avoir écrit à leurs parents les causes do leur dé termination. Combien de faits de ce genre no pourrait-on pas citer ; il suffit d’aller dans n’importe quel quartier de Paris pour être renseigné ; mais la timidité, la crainte du scandale, la honte qu’on éprouve à parler de ces aventures, ren dent presque muettes celles de ces in nocentes victimes qu’on interroge. Et puis encore la terreur qu’inspi rent ces agents des mœurs que l’on sait capables de tout, ferme la bouche aux humbles gens. Il faut des, scandales re tentissants, comme celui de ces jours passés, pour que le public s’émeuve et que les langues se délient. L’agent des mœurs échappe à tout contrôle, on peut dire que c’est un criminel revêtu d’un mandat officiel ; il sort la plupart du temps de quelque bagne, ou d’une maison centrale ; il a fait tous les mé tiers, surtout les plus inavouables ; il connaît les bas-fonds des villes, c’est pourquoi on le lâche en toute liberté. Les commissaires de police de quar tiers n’ont aucune autorité sur eux, car ils relèvent de la préfecture de po lice et ils ont en main, très souvent, des mandats d’arrestation en blanc ; ils peuvent sur ces mandats mettre le nom qu’il leur plaît d’inscrire. Toujours, du reste, leurs rapports sont semblables ; ils ont « vu » la per sonne suspecte plusieurs fois en faute, ils l’ont arrêtée en « flagrant délit », etc. Comment vérifier leurs dires ; ils ont des cartes qui les investissent d’un pouvoir illimité. Il ne faut pas confon dre ces gens sans aveu • pour la plu part souteneurs eux-mêmes des filles qu’ils sont chargés de surveiller, et qu’ils n’arrêtent pas, bien entendu, complices des souteneurs en titre avec qui ils partagent les recettes, il ne faut pas les confondre avec les agents de la sûreté. Ces derniers sont des hom mes de courage et de probité, pour le plus grand nombre, et ils rendraient de signalés services s’ils étaient em ployés seulement à la recherche des malfaiteurs. Mais le gouvernement les occupe surtout à espionner les personnages politiques et les honnêtes gens. Cepen dant ils sont nécessaires au bon ordre et ils ne sont pas méprisés comme cer tains agents des mœurs qui arrêtent les femmes timides, les effrayent et se font verser pur elles la rançon qu’ils exigent. Il faudrait supprimer cette honte, supprimer les souteneurs qui terrorisent Paris et que jamais les agents des mœurs n’inquiètent — et pour cause. Des agents en costume comme les braves sergents de ville, honnêtes, pè res de famille, auraient tôt fait de net toyer les rues des exploiteurs du vice. Leur présence seule suffirait, dans beaucoup de cas, pour prévenir tout attentat aux mœurs et les honnêtes femmes ne seraient pas sans cesse à trembler d’être arrêtées par erreur — soi-disant — ou plutôt par intérêt, car ces agents cherchent, tout d’abord, à faire « chanter » leurs victimes. ,1e demande pardon aux lecteurs du « Mémorial » et surtout aux lectrices de mettre sous leurs yeux ceS répu gnantes tares de la société, mais on voit que, des bas-fonds, elles s’éten dent parfois aux couches supérieures 1 —n zir, t nn 1-10111 ni TA...
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
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