Extrait du journal
Il y a un peu plus d'un an, j'ai signalé à mes lecteurs l’apparition d’une étoile nouvelle dans la constellation d’Hercule, c’est-à-dire d’une étoile qui, de faible grandeur, a subitement augmenté d’éclat. De loin, nous avons donc assisté à un gigantesque incendie né probablement à la suite d’une formidable explosion. J’ai dit « de loin », car presque toutes les étoiles nouvelles apparaissent aux abords de la Voie Lactée, en des régions plus lointaines que celles où gravitent nos astres familiers. Et pré cisément, un astronome de Cambridge vient d’achever les calculs qui nous donnent très approximativement la distance de la Nova d’Hercule. Cette étoile, dont l’éclat s’affaiblit graduellement, se trouve à un peu plus de I quintillions de kilomètres. Cela ne vous dit rien ? Alors pensez-vous que la lumière, qui vole à raison de 300.000 kilomètres à la seconde, a mis 1.205 années pour nous parvenir de ce soleil lointain ? L’an dernier, à pareille époque, nous avons donc assisté à un incendie céleste qui s’est allumé au temps où régnaient chez nous les dernier» représentants de la dynastie des Méro vingiens. Ainsi tous les faits qui se passent sur la voûte céleste nous arrivent en retard. Les positions même» des étoiles, en raison de leurs mouvements propres, ne sont pas en réalité celles que nous voyons. Bref, aucun homme ne saurait décrire avec exactitude l’état actuel de l’Univers. Et cela, tout simplement parce que cet état ne peut être connu que par le» ondes lumi neuses qui forcément mettent un temps plus ou moins long pour arriver jusqu’à nous. Supposez maintenant que nous soyons instantanément transportés sur cette fameuse étoile nouvelle et qu’à l’aide d’un instrument puissant nous soyons à même de voir ce qui se passe sur la Terre. Nous assisterions évidemment aux faits et gestes des fameux rois fainéants dont je parlais plus haut. En nous rendant, instantanément toujours, dans des étoiles ou des nébu leuses plus éloignées, nous verrions la.Terre aux périodes géologiques, en ces temps lointains où les sauriens géants se disputaient les continents émergés. Plus d’un savant ne rêverait-il pas de ce moyen pour contrôler les i hypothèses que nous échafaudons sans répit et que nous renversons d ailleurs aussi facilement qu’un ministère. Mais il y a mieux encore et, sans avoir recours à 1*artifice de Wells1 qui avait inventé sa machine à explorer le Temps nous pouvons imaginer un procédé autrement suggestif et qui, appliqué, donnerait bien du fil à retordre à plus d’un philosophe. Supposons que nous sommes sur une planète qui s’éloigne de la Terre avec ur.e vitesse plus grande que celle de la lumière. Sur le globe qui nous emporterait ainsi sans que nous nous en doutions, les lois de la méca nique ne seraient pas changées ; nous enfoncerions un clou à 1 aide d un marteau, comme nous le faisons ici. Nous aurions donc la même idée d une cause produisant un effet. Mais si nous nous avisions de braquer un télescope sur la Terre que nous avons quittée, puisque nous irions plus vite que la lumière, nous rejoin drions dans l’espace des portions de rayons lumineux de plus en plus anciens, si bien que nous verrions les événements terrestres se dérouler à rebours. Un clou ressortirait du bois au lieu de s’enfancer les hommes marcheraient à reculons. Nous même, en regardant notre image terrestre, nous nous verrions rajeunir ; aux générations actuelles succéderaient les générations passées. Napoléon naîtrait avant Henri IV qui, lui-même, précéderait Charlemagne. L’Histoire, en somme, se déroulerait à la façon d’un film de cinéma qu’on tournerait à l’envers. Pour nous, il y aurait encore succession et si nous ne connaissions pas le iç truc » dont nous sommes victimes, c’est-à-dire notre- course dans les espaces, plu» rapide que celle de la umière. nous nous demanderions comment les causes et les effets peuvent être intervertis. Par des considérations purement rationnelles, j’ai montré dans mon ouvrage : Pour comptendte la Philosophie, que la constatation de la succession n’explique pas le Temps. La physique nous incite aux mêmes conclusions, mais pour distinguer l'avant de l’après, nous ne sommes pas plus avancés ; Les scènes déroulées par un film qu on passe à rebours dans un appareil de cinéma sont encore inscrites dans le temps. Alors, qu’est-ce donc que le Temps ? « Si personne ne me le demande, écrivait saint Augustin, je le sais ; mais si je veux l’expliquer à qui me pose la question, je ne le sais pas ». Depuis le IVe siècle, plus d’un philosophe a médité ces paroles, mais jusqu’ici je ne sache personne qui ait pu résoudre toutes les énigme» que nous pose la question du Temps. Abbé Th. MOREUX. Directeur de l’Observatoire de Bourges....
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
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