Extrait du journal

(Correspondance particulière du Mémorial de la Loire Le véritable programme Freycinet. — Les ports du Havre et de Marseille. — Anvers et Gènes. — Le grand réseau. — Méthode parlementaire. — La danse des milliards. — L’égalité souveraine et stupide. — L’in té ré L local. — Mauvais emplois des crédits. — Frais d’exploitation. — Déficit. — Les aveux de M. Prével. — La situation finan cière. Paris, 28 janvier. Je ne crois pas que le fameux programme Freycinet puisse être blâmé, dans sa con ception première, par les gens qui ne se paient pas de mots et qui aiment à aller au fond des choses : on était alors en pleine prospérité, les budgets donnaient des excé dents de recettes considérables ; c'était une pensée patriotique et prévoyante de mettre l'outillage futur de la France au niveau des nations les mieux organisées. On arrivait, tout bien calculé, à une dépense totale de cinq milliards, répartie sur dix années et qui pouvait être réduite à quatre milliards. L’important était de bien dépenser cos sommes considérables, de confier à des hom mes compétents le soin de déterminer les créations de véritable intérêt général, celles dont le pays tout entier ou tout au moins des fractions considérables du pays seraient appelées à bénéficier. Pour les ports, par exemple, il était évident que le premier sou ci devait être de donner au Havre et à Mar seille le développement que comporte leur situation acquise. Je dis que cela est d’im portance primordiale, parce que la France entière bénéficie par répercussion du trafic que ces ports peuvent conquérir sur l'étran ger. C’est un gain net. Autour de nous, ce principe a été si bien compris que les Ita liens ont notablement agrandi Gênes et que les Belges ont donné à leur magnifique port d’Anvers l'énorme développement que l’on sait. De même, en matière de chemins de fer, il fallait se préoccuper d’abord d’a méliorer notre grand réseau et de redresser certains tronçons, de manière à conserver le transit de l’étranger. Mais on a pris tout justement le contrepied de cette méthode sage et prudente. La Chambre, écartant les conseils importuns des hommes compétents,a voulu tout faire par elle-même. Elle s’est mise à l'œuvre avec son incompétence brouillonne. Elle a commencé par doubler le crédit affecté à l’exécution du programme Freycinet. Il ne s'agissait plus, alors, de réduire à quatre milliards, mais bien de pousser à huit, à neuf milliards. Les députés, à la dévotion de comités locaux,craignant de mécontenter...