Extrait du journal
aucune suspension. Dès que l’enquête sera ter minée, on verra s’il y a lieu de losuspendre, ou plus simplement de lui infliger un blâme, se lon l’importance de sa responsabilité. Avait-il donné son autorisation au garçon du laboratoire et partageait-il les bénéfices avec lui? Fermait-il les yeux devant les agissements de ce même garçon? Est-il coupable* seulement de négligence, les chefs de laboratoire se reposant un peu trop en général de certains soins sur les garçons qui tous ou presque tous prennent une part active à la fabrication des toxines ? On ne saurait encore répondre à ce propos et dire nettement quelle part de responsabilité re vient à M. Roger dans la faute commise par son garçon de laboratoire, lequel, d’ailleurs, a été justement révoqué dès que les faits furent connus. Ajoutons qu’on est fort étonné de cette affaire dans le monde médical où M. Ro ger jouit d’une réputation solidement acquise de laborieux et de savant homme. Chez M. Roger En raison des propos particulièrement flatteurs qui nous avaient été tenus sur le caractère de M. Roger, nous n'avons pas voulu publier l’accusation sans aller lui demander sa défense et voici ce qu’il nous a répondu avec une parfaite allure de sin cérité : — En 1892, je fis les premiers essais de sé rum anti-streptococcique et j’en fis part à un de mes amis, le docteur Charrin, qui entrait peu à près à la Maternité. A ce moment, il me demanda si je ne pourrais pas préparer du sérum en grand, afin de l’essayer sur les fièvres puer pérales alors très nombreuses. J’allai à Alfort. Très aimablement, le directeur m’abandonna un mulet que j’emmenai au laboratoire de pa thologie thérapeuthique et là je préparai du sérum qui, je puis le dire, amena des résultats assez satisfaisants. En 1875, M. Marmoreck, de l’Institut Pasteur, publa une brochure sur le traitement de la strep tocoque. Pour ne pas perdre le bénéfice de notre ini tiative, je publiai alors des notes détaillées sur la manière de procéder pour obtenir le sérum anti-streptococcique, lesquelles firent tomber la chose dans le domaine public. C’est alors qu’un industriel vint me trouver et me demanda de le fournir de sérum, ce que je refusai, mon mulet ne pouvant suffire à un tel commerce. Il me demanda ensuite si je ne voudrais pas lui saigner des chevaux et des mulets qu’il inoculerait après avoir préparé luiméme des toxines. Je refusai encore. Je ne pouvais l'empêcher de faire ce qu’il voulait, je ne voulais absolument pas m’y mêler. Mon garçon, qui était admirablement adroit, n’avait point les mêmes scrupules que moi. Le matin je suis à l’hôpital, le dimanche, je ne viens pas au laboratoire; il en profita pour aller saigner chez mon industriel et môme, dit-on, ce que j’ignore, pour inoculer des toxines pré parées par lui. J’appris les saignées, je lui fis une scène de tous les diables. Il pleura, me dit qu’il avait femme et enfants, qu’il gagnait là quelque ar gent et qu’en somme il ne faisait rien (le mal, agissant en dehors du service, au simple ci toyen. Je fermai les yeux. J’en parlai à des camarades, .qui en blâ mèrent, disant que je pourrais m'attirer des ennuis. Je refis une scène à notre homme, menaçant de le jeter dehors. Il pleura derechef et me dit que tout était fini, la maison à qui ses préparations revenaient très cher ayant perdu 10,000 francs dans l’exploitation du se rum anti-streptococcique. Il ne fut plus question de rien quand, il y a un mois, M. Bouchard eut connaissance de ce qui s’était passé. Il jeta les hauts cris et, il y a quelques jours, me déclara que cette affaire, si on la connaissait, lui causerait des tracas et qu’il valait mieux donner ma démission. Je professe le plus grand respect et beaucoup de reconnaissance à l’égard de M. Bouchard et, sans protester, je démissionnai. Or, non seulement le laboratoire ne m’a pas rapporté de bénéfices illicites, mais il in’a sou vent coûté de l’argent sur mes appointements, qui étaient de 2,400 francs annuels. Le laboratoire a un budget notoirement in suffisant de 3,000 francs. Pour les expériences, dans l’intérêt de mon métier et sans autre but, je mettais parfois, de ma poche, cent ou cent cinquante francs. Quelquefois, même, tous mes appointements y passaient. Aussi n’est-ce pas sans amertume que M. Roger, sous an sourire contraint, dé clare en nous serrant la main : — J’en suis bien récompensé aujourd’hui. Si les choses sont telles que le dit M. Roger, et il y a toute apparence que son récit est exact, ce n’est pas à lui, dès...
À propos
Fondé en 1881 par Charles Laurent, Paris fut d'abord un quotidien gambettiste, avant de devenir tout simplement opportuniste. En 1888, le journal attaque avec violence le Crédit Foncier, lequel le rachète immédiatement dans le seul but de le faire taire. À la suite de quoi le directeur du journal démissionne, pour fonder Le Jour. Le nouveau directeur Raoul Cavinet, d'une moralité douteuse, sera impliqué dans les années qui suivent dans plusieurs affaires de chantage et de fraude. Il abandonnera son poste, et le titre avec lui, en 1895.
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