Extrait du journal

— Leçon d'ouverture Messieurs, En remontant dans cette chaire après une si longue absence, je ne puis me défendre d’une sincère cl profonde émotion. Que de choses nous aurions à nous dire depuis que nous nous sommes quittés! Séparé de vous pariai mai cruel avant la fin du second semestre, je ne inc doutais guère, en m’éloignant d’ici le cœur si triste, que de plus amères douleurs m’étaient encore réservées; que notre première entrevue se ferait au sein de Paris assiégé, sous la menace d’un bombardement, avec la perspective d’un obus prussien tombant au milieu de nos leçons. Une chose pour tant me rassure et me console a la vue de cet auditoire, c'est la pensée qu’à travers les rudes épreuves qui nous assaillent, les lettres, sans enlever aux remparts leurs légitimes défenseurs, gardent encore ici des fidèles et des adeptes; c’est qu’au milieu de ce cercle de fer cl de feu dont nous enlace la haine implacable de l’ennemi, la vie sociale et intellectuelle n’a pas cessé parmi nous; que la France garde encore une âme pour sentir les belles choses, un cerceau pour penser, une voix libre pour se faire entendre, comme un bras pour combattre; c’est enfin que si la barbarie est à nos portes, elle n’est pas encore dans nos murs, malgré les alliés et les amis qu’elle espérait y rencontrer. Je regrette sincèrement que M. de Bismarck et son roi ne soient pas assis sur ces bancs pour voir ce (lu est un public français s’entretenant d’art et de poésie Sl),ls le feu des batteries prussiennes, en l’an de grâce G’i de misère 1870....