Archives de presse
L'affaire Dreyfus à la une
8 journaux d'époque réimprimés en intégralité mettant en perspective le rôle de la presse dans cette lutte ouverte entre dreyfusards et antidreyfusards.
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En 1898, Zola subit de la part des antidreyfusards une campagne de presse d'une violence inouïe. Lorsque le rédacteur en chef du Petit Journal calomnie son père en l'accusant de malversations, Zola lui répond dans L'Aurore.
L'attaque est cruelle. Elle a lieu en pleine affaire Dreyfus. Le 23 mai 1898, quelques mois après le « J'accuse … ! » de Zola, Ernest Judet, rédacteur en chef du Petit Journal, publie en une un édito fielleux intitulé « Zola père et fils ».
L'article, l'un des nombreux qui traînent alors Zola dans la boue à cause de son engagement en faveur de Dreyfus, est une attaque mensongère contre le père du romancier.
Judet accuse ce dernier, François Zola (1796-1847), ingénieur et militaire d'origine italienne, d'avoir procédé à un détournement de fonds et d'avoir été chassé de l'armée au moment où il s'était engagé dans la Légion étrangère, vers 1830. Le fait expliquerait l'animosité de Zola fils contre l'armée.
« L'obstination criminelle du romancier sans patrie reste un phénomène monstrueux dont toutes les hypothèses n'ont pu donner l'explication absolue […]. À l'origine il doit y avoir certainement une cause plus profonde, quelque tache sinistre, quelque mystère inouï, quelque fêlure inconnue, quelque honte corruptrice que nul n'a sondée et qui domine implacablement l'œuvre impure comme la vie infâme de Zola.
J'ai cherché. J'ai trouvé […].
En mai 1832, [le père de Zola] est arrêté pour vol et malversation, subit une détention de deux mois. Poussé par l'horreur, qu'il partage avec toute sa famille, du conseil de guerre, il fait jouer ses relations. Zola […] renonce à son rang et à tous ses droits dans l'armée française. »
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L'affaire Dreyfus à la une
8 journaux d'époque réimprimés en intégralité mettant en perspective le rôle de la presse dans cette lutte ouverte entre dreyfusards et antidreyfusards.
Tel père, tel fils, sous-entend Ernest Judet, qui comme de nombreux antidreyfusards, n'hésite pas à recourir à la calomnie pour discréditer l'écrivain. D'autres articles suivront, tout aussi violents.
Zola, qui subit depuis janvier un torrent d'insultes, va répondre à ces mensonges dans L'Aurore du 28 mai : son texte, dont le titre barre la une, s'intitule simplement « Mon père ».
Exposition à la BnF
L'Invention du surréalisme : des Champs Magnétiques à Nadja.
2020 marque le centenaire de la publication du recueill Les Champs magnétiques – « première œuvre purement surréaliste », dira plus tard André Breton. La BnF et la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet associent la richesse de leurs collections pour présenter la première grande exposition consacrée au surréalisme littéraire.
« Il s'est trouvé des âmes basses, d'immondes insulteurs, dans la guerre effroyable de guet-apens qui m'est faite, parce que j'ai simplement voulu la vérité et la justice, il s'est trouvé des violateurs de sépulture pour aller arracher mon père à la tombe honorée où il dormait depuis plus de cinquante ans [...].
Ces choses se seraient passées vers 1830. Je les ignore. Mais comment veut-on que j'accepte pour vrais des faits apportés de la sorte par des gens qui, depuis des mois, combattent pour le mensonge avec tant d'impudence ? »
Le romancier commence par rétablir les faits point par point : il raconte la véritable histoire de son père, lieutenant à 23 ans, obligé de quitter l'Italie à cause des bouleversements politiques de l'époque, engagé dans l'armée autrichienne, puis brièvement dans la Légion étrangère, avant de s'installer en Provence comme ingénieur des travaux publics – un père que Zola a à peine connu et dont il garde pourtant un souvenir plein d'amour.
« Aujourd'hui donc, on m'apprend ceci : “Votre père était un voleur.” Ma mère ne me l'a jamais dit, et il est heureux qu'elle soit morte pour qu'on ne lui donne pas cette nouvelle, à elle aussi. Elle ne connaissait du passé de l'homme qu'elle adorait que des choses belles et dignes [...].
Elle savait la vraie histoire de sa vie, elle assistait à son effort de travail, à l'énergie qu'il déployait pour le bien de sa patrie d'adoption. Et jamais, je le répète, je n'ai entendu sortir de sa bouche que des paroles de fierté et d'amour.
C'est dans cette religion que j'ai été élevé. Et au François Zola de 1830, le prétendu coupable que personne des nôtres n'a connu, qu'on s'efforce de salir d'une façon infâme, uniquement pour me salir moi-même, je ne puis aujourd'hui qu'opposer le François Zola tel que notre famille, tel que toute la Provence l'a connu, dès 1833, époque à laquelle il est venu se fixer à Marseille. »
Puis Zola répond à ses accusateurs en dénonçant la bassesse de leurs méthodes.
« Car nous en sommes arrivés là, à des monstruosités qui semblent ne plus soulever le cœur de personne. Notre grande France en est là, dans cette ignominie, depuis qu'on nourrit le peuple de calomnies et de mensonges. Notre âme est si profondément empoisonnée, si honteusement écrasée sous la peur, que même les honnêtes gens n'osent plus crier leur révolte.
C'est de cette maladie immonde que nous allons bientôt mourir, si ceux qui nous gouvernent, ceux qui savent, ne finissent pas par nous prendre en pitié, en rendant à la nation la vérité et la justice, qui sont la santé nécessaire des peuples. Un peuple n'est sain et vigoureux que lorsqu'il est juste.
Par grâce, hommes qui gouvernez, vous qui êtes les maîtres, agissez, agissez vite ! Ne nous laissez pas tomber plus bas dans le dégoût universel ! »
Et de conclure :
« Lorsque la vérité et la justice auront triomphé, lorsque les tortures morales sous lesquelles on s'efforce de me broyer l'âme seront finies, c'est ta noble histoire, père, que je veux conter. Depuis longtemps j'en avais le projet, les injures me décident. Et sois tranquille, tu sortiras rayonnant de cette boue dont on cherche à te salir, uniquement parce que ton fils s'est levé au nom de l'humanité outragée.
Ils t'ont mis de mon calvaire, ils t'ont grandi. Et, si même je découvrais une faute dans ta jeunesse aventureuse, sois tranquille encore, je t'en laverai, en disant combien ta vie fut bonne, généreuse et grande. »
L'affaire se poursuivra par un procès, au cours duquel il sera prouvé que les documents sur lesquels se basait Ernest Judet étaient des faux grossiers. Le tribunal conclura en faveur de Zola.