La crue exceptionnelle de la Seine en 1910
Entre le 20 et le 28 janvier 1910, la Seine a connu une crue centennale qui a provoqué la plus importante inondation de Paris depuis 1658.
« La semaine terrible » : de la crue au paroxysme d’inondation (21-28 janvier)
Après un été très pluvieux et d’abondantes précipitations à l’automne, les pluies diluviennes de la mi-janvier provoquent la crue des affluents de la Seine. Dès le 20 janvier, la presse commence à s’inquiéter du mauvais temps et des inondations. « Un véritable déluge » d'après les termes du Petit Parisien s’abat sur le bassin parisien et la Seine menace Paris. Commence alors une « semaine terrible ».
Le 21 janvier, les eaux de la Seine entrent dans les égouts et se diffusent par infiltration dans les tunnels de la Compagnie Nord-Sud et dans tous les réseaux souterrains de la ville (égout, distribution d’eau, téléphone, métro...). Elles ressortent dans la ville par les bouches du métro et par des affaissements de la chaussée. À son apogée le 28 janvier, la montée des eaux avait atteint 8,42 mètres au pont des Tournelles. 12 arrondissements de Paris sont inondés soit 720 hectares.
Tout l’axe fluvial de Paris, concentrant les fonctions politiques, économiques et culturelles, est touché (on parvient in extremis à sauver des eaux les tableaux du Louvre conservés dans les sous-sols). Le Petit Parisien parle d’une « catastrophe sans exemple » (27 janvier 1910) depuis la crue de 1658. Les services municipaux sont dépassés par la gravité de la crise.
Quand Paris « Ville-Lumière » devient une Venise sous les eaux
Paris sous les eaux se transforme en Venise selon les mots de la presse. Les populations se déplacent en canot Rue de Seine ou à cheval : les tramways et métropolitains sont hors service. Avec la montée des eaux, les usines qui fournissent l’électricité et l’air comprimé ne fonctionnent plus. Les Parisiens doivent faire face à l’obscurité, la paralysie des transports, l’insalubrité, l’amoncellement des déchets, le manque d’eau potable, le froid, les difficultés de ravitaillement, les rats qui fuient les égouts ... Paris « Ville-Lumière », vitrine du progrès technique se trouve touchée dans sa modernité.
Paris sous les eaux devient un événement très photographié. L’image de « Paris-Venise » est largement reprise par la presse illustrée et les quotidiens qui incrustent leurs unes de photographies pour donner à voir aux lecteurs l’ampleur des dégâts. Le Journal des débats propose l’album « Paris inondé », associant reproduction de photographies et de textes de journalistes envoyés saisir sur le vif cette crue exceptionnelle. Le Petit Parisien propose un numéro exceptionnel de 12 pages sur la catastrophe.
Le 29 janvier 1910, « la Seine baisse enfin, Paris respire ! » s'écrie Le Matin du 30 janvier 1910 mais le fleuve ne retrouve son lit que le 15 mars : la décrue est lente. À mesure que l’eau diminue, on voit apparaître les dégâts matériels considérables (chiffrés à plus de 400 millions de franc-or). Il faut plus de deux mois pour évacuer les boues et la vase, pomper l’eau des caves, désinfecter et assainir les immeubles et les sous-sols ; la préfecture craignait le développement d’une épidémie de choléra comme en 1884.
Le bilan de la catastrophe et les multiples répercussions de cette crue centennale
La catastrophe fait une victime à Paris mais une trentaine dans la banlieue parisienne. 20.000 immeubles ont été touchés, plus de 200.000 Parisiens sont sans logement. Les autorités prennent rapidement la mesure des conséquences sociales de cette grande crue, relayées par la presse quotidienne. L’Humanité évoque « les misères du chômage » qui touche les classes populaires de Paris et de sa banlieue.
Cette crise suscite un vaste élan de solidarité et de cohésion nationale. Le président de la République Armand Fallières, son président du Conseil Aristide Briand et le préfet Lépine ont parcouru en canot la capitale et les villes de banlieue sinistrées (Ivry, Gennevilliers), allant rencontrer des victimes. Dès le 22 janvier, le gouvernement débloque 2 millions de franc-or puis 20 millions en plus le 11 février pour dédommager les victimes de cette catastrophe naturelle.
Le 18 février, le gouvernement nomme une commission des inondations, présidée par Alfred Picard, qui réalise un rapport sur les causes météorologiques de la catastrophe. Il préconise une surveillance accrue des affluents de la Seine. Des barrages réservoirs sont construits, après l’inondation de 1924, entre 1931 et 1939 en amont de Paris pour réguler le débit du fleuve.
Le risque d'inondation en Île-de-France
La possibilité d'une grande crue en Île-de-France, on en parle parfois, on l'oublie souvent. Qu'en est-il vraiment? Quelles sont les conditions d'une crue majeure ? À quoi ressemblerait-elle ? Un tel évènement est-il possible de nos jours et que se passerait-il alors ? Découvrez cette édition spéciale qui, à l'occasion du centenaire de la crue de 1910, fait le point sur le risque d'inondation en Île-de-France.
Bibliographie
Marc Ambroise-Rendu, 1910, Paris inondé, Hervas, Paris, 1997.
Isabelle Backouche, « Paris sous les eaux : la grande crue de 1910 », in L’Histoire, n°257 (septembre 2001), pp.46-49.
Magali Reghezza-Zitt, Paris coule-t-il ?, Fayard, Paris, 2012.