Séquence pédagogique

Le Risorgimento : vers l’unité de l’Italie

le par - modifié le 09/01/2024
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Italie, XIXe siècle. Le peuple devient une nation. La péninsule italienne connaît alors des bouleversements majeurs, et ses frontières sont recomposées. Morcelée en plusieurs États depuis des siècles, elle se trouvait sous domination autrichienne depuis le Congrès de Vienne. Comment étudier avec les élèves le Risorgimento, terme italien synonyme de résurgence ou de resurgissement, qui correspond à cet élan vers l’unité du pays ?

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Dans les programmes de l’enseignement secondaire :

Quatrième (L'Europe et le monde au XIXe siècle)

Première générale (L’Europe entre restauration et révolution, 1814-1848)

Introduction

Quand l’Italie devient l’Italie : du peuple à la nation.

Au XIXe siècle, un processus d’unification bouleverse la péninsule italienne et en recompose les frontières, porté par un sentiment national. L’Italie était morcelée en plusieurs États depuis des siècles, et se trouvait sous domination autrichienne depuis le Congrès de Vienne. Le Risorgimento, terme italien employé par les contemporains et synonyme de résurgence ou de resurgissement, correspond à l’élan vers l’unité du pays entre les années 1840 et 1870.

Sa puissance et sa postérité ont fait du Risorgimento un chrononyme, c’est-à-dire un nom d’époque ; le préfixe indique que l’idée d’Italie est préexistante, et qu’il s’agit de bâtir une nation sur un socle culturel ancien.

Jusque-là, l’Italie a surtout une réalité géographique : le terme est attesté dès l’Antiquité pour désigner la péninsule éponyme.

Cette séquence pédagogique n'a pas une ambition d'exhaustivité sur le déroulement du Risorgimento, à la fois long et complexe. Elle cherche à en donner des éléments de compréhension accessibles aux élèves, grâce au regard de la presse française contemporaine.

Aux origines de la nation italienne

L’illuminisme, ou illuminismo, est le courant italien du mouvement philosophique qui bouleverse l'Europe au XVIIIe siècle : les Lumières. Pietro Verri, Cesare Beccaria ou encore Mario Pagano en sont les représentants dans la péninsule. Les réflexions politiques alors formulées ont contribué à forger le mouvement d’unification, nourries par la circulation des idées à l'échelle du continent, notamment autour de la France ou de la Grande-Bretagne. La défense grandissante de l’unité culturelle italienne a aussi participé à l'émergence de telles idées.

Document 1 : La Gazette de France (10 mai 1815)

« L'Italie heureuse et tranquille était partagée, vers la fin du 18e siècle, entre le roi de Sardaigne, les papes, les républiques de Gênes et de Venise, la maison d'Autriche et la branche des Bourbons d'Espagne assise sur le trône de Naples.

La révolution française éclata et jeta bientôt dans toute l'Italie le germe de plusieurs révolutions successives. Sa population à cette époque s'élevait à 20 millions d'habitants librés la plupart aux préjugés, à la superstition et aux opinions extrêmes, soit en faveur de la liberté, soit par une soumission servile. On regardait les Italiens comme amoltis, oisifs, turbulants, incapables de discipline militaire. Mais comment juger le caractère d'une nation divisée en plusieurs sociétés politiques différentes ? Vingt années de révolutions et de guerres ont retrempé le caractère des Italiens. Sous les drapeaux français leur courage s'est rélevé. Ile ne sont plus étrangers d'ailleurs à l'esprit de liberté et au système représentatif. Tout faisait présager, dans ces derniers temps, que le signal de l'indépendance italique ne serait pas donné en vain par un prince qui doit lui même son élévation à la liberté et à la victoire. »

- La Gazette de France, 10 mai 1815.

Question :


Quelle analyse des bouleversements politiques de l'Italie au début du XIXe siècle cet article contient-il ?

La domination autrichienne et les interventions françaises ont contribué à faire émerger le sentiment d'unité nationale. Elles ont bouleversé l’ordre politique et social dans la péninsule, avec par exemple l'affaiblissement de la papauté ou les évolutions militaires.

Des insurrections éclatent, violemment réprimées par la réaction. Dans la péninsule, la volonté de renverser l'hégémonie autrichienne est de plus en plus manifeste. Les idées du Risorgimento se déploient dans la presse, dans les salons et les clubs voire dans les sociétés secrètes, comme celles des Carbonari. Ces derniers jouent un rôle déterminant dans l'insurrection qui éclate en 1821.

Document 2 : Extrait de La Gazette de France (30 août 1822)

« Cette secte, émule de la franc-maçonnerie, empruntait ses allusions et ses symboles au métier des charbonniers. Depuis longtemps occupée d'un plan favori de révolution, elle catéchisait secrètement l'Italie. Dès 1819, elle était parvenue à s'introduire dans nos départements de la Corse. 

Un nommé Guérini y fut poursuivi judiciairement pour avoir tenté d'assassiner un individu chargé par l'autorité de surveiller les sociétés de carbonari, qui se multipliaient d'autant plus que le gouvernement s'abusait alors sur leurs intentions et leur nombre. Il résulte d'une correspondance officielle que le ministère d'alors ne jugea pas important de les traduire devant les tribunaux, attendu, disait-il, que ces poursuites décéleraient une crainte que de pareilles sociétés ne peuvent inspirer sous une forme de gouvernement où les droits du peuple sont reconnus et assurés.

Ce motif, plein de candeur, toucha si peu les factieux, que bientôt la charbonnerie grandit sur un plus vaste théâtre, et envahit presque toutes nos provinces. En effet, lorsque les insurrections napolitaines et piémontaises eurent mis en lumière les carbonari, ceux-ci, qui devaient le fond de leurs principes aux révolutionnaires français, ne purent leur refuser les formes et les status de leur association. On ne tarda point à s'entendre, et les émissaires de carbonari d'Italie vinrent faire hommage à la conspiration permanente des secrets de leur organisation. »

- La Gazette de France, 30 août 1822.

 

Question :


Comment le rôle politique des Carbonari est-il décrit dans cet extrait ?

À mesure que le siècle passe, les idées républicaines se diffusent comme dans le reste de l’Europe. En 1831, une vague révolutionnaire se diffuse, en écho au contexte français.

Une réflexion sur l’unité italienne en 1832 dans Le Journal des Débats :

Tout au long du processus, le romantisme imprègne le mouvement, avec l’idée qu’aux fondements de la nation se trouve la culture italienne, sa langue et ses arts. Nombreuses sont les références la grandeur de l’Antiquité romaine et de la Renaissance. La forte coloration littéraire et artistique du mouvement national italien est une de ses spécificités.

La grandeur de la nation italienne selon le poète Pellico :

« "J'aime toutes les nations, dit Pellico, mais Dieu sait combien je préfère l'Italie ; et, parmi tous les noms des pays qu'elle renferme, Dieu sait combien est plus cher à mon coeur le nom du Piémont, du pays de mes pères !"

Ces sentiments généreux dominaient la haute société, et l'abusaient sur l'impossibilité de constituer une unité gouvernementale dans cette Italie, morcelée, depuis des siècles, en tant de parcelles jalouses les unes des autres, et chez qui les vieilles prétentions, les jalousies, les haines des républiques du moyen âge sont loin d'être éteintes. »

- La Revue européenne, 1er janvier 1832.

 

 

L’unification italienne, un processus long et complexe

Trois phases sont souvent distinguées pour étudier le Risorgimento : la première, autour de 1848-1849, durant laquelle se forment plusieurs mouvements favorables à l'unité contre la domination autrichienne. La deuxième phase autour de 1860, qui aboutit le 17 mars 1861 à la proclamation du Royaume d’Italie. Une troisième et dernière phase enfin, autour de l'annexion de Rome le 20 septembre 1870.

Document 3 : Extrait de La Gazette de France (16 décembre 1849)

« Le Risorgimento publie un prétendu projet de réorganisation de l’Italie, auquel nous ajoutons peu de croyance, mais que nous devons cependant rapporter comme un bruit qui a déjà pris une certaine consistance en Italie. Nous en avons déjà dit un mot il y a quelques jours.

Le plan exposé par le Risorgimento est sans doute irréalisable, et nous ne pouvons pas croire qu’on y ait songé, mais il prouve que la diplomatie de l’Autriche ne reste pas inactive, et nous ne serions pas étonnés si elle parvenait à former sous son influence, et en dehors de celle de la France, une fédération italienne dont elle se rait le membre dirigeant. Bien entendu que le partage des états de l’Église est, dans tous les cas, une fable. Voici l’article du Risorgimento :

"Voici un projet de solution de la question italienne transmis à l’un des diplomates qui ont pris part aux conférences de Gaëte :

L’Italie serait une fédération d’états avec une ligue douanière très large et un système de chemins de fer des Alpes au Lilibée (al Lilibea), dans le sens proposé par Pettiti dans son livre des Chemins de fer italiens.

Dans l’état actuel des choses, on ne pourrait pas s’écarter du royaume Lombardo-Vénitien gouverné sur place, conformément au statut promis, par un représentant de l’empereur; recevant les instructions de la cour de Vienne, il les appliquerait suivant les règles fédératives convenues dans la diète qui serait instituée à Rome.

Le deuxième état confédéré serait celui de Sardaigne, agrandi avec le duché de Plaisance et la majeure partie du parmesan, qui ne passerait pas à la Toscane, à raison de la contiguïté topographique.

Le troisième état serait un royaume d’Etrurie avec la dynastie actuelle : il comprendrait la Toscane avant la complication de 1848. Il aurait, en outre, de l’état pontifical à partager, l'Ombrie, l’Urbinat, le patrimoine de St-Pierre jusqu’au Tibre et les Marches. Le nouveau royaume aurait trois ports de mer : Livourne, Civita-Vecchia et Ancône. avec des chemins de fer qui les relieraient entre eux.

Le quatrième état confédéré italien serait les Deux-Siciles, accru de Bénévent et de Ponte-Cervo et de la campagne de Rome jusqu’au Tibre.

Un cinquième état confédéré italien, serait un royaume constitutionnel créé pour le duc de Modène, avec Bologne pour capitale. Il se composerait du duché actuel de Modène ; les districts regardant la mer cédés à la Toscane, seraient largement compensés par les quatre légations do Bologne , Ferrare, Ravenne et Forli.

Rome resterait ville sainte neutre, libre, archéologique, non seulement membre de la confédération, mais capitale. Elle serait sous la protection de toute la chrétienté. Ville libre , Rome n’aurait vis-à-vis du pape d’autre obligation que celle de le garder avec honneur et dignité, comme le chef spirituel de la chrétienté. Rome aurait un statut municipal ; le clergé serait exclu de toute magistrature civile. Les cinq états confédérés assureraient une large liste civile à la papauté , qui aurait en pleine propriété le Vatican , le Quirinal et tous les palais sacrés.

Le Capitole seul serait réservé pour être le siège de la diète fédérale qui aurait pour tout état des légats ; ces derniers sous la ratification du prince respectif et des représentations nationales de tout état, gouverneraient la confédération avec un fonds commun appliqué aux dépenses communes.

Les codes, poids, mesures, monnaies, contingents militaires et maritimes seraient égaux et communs, en tenant compte du chiffre de la population respective. Un pareil projet avait été déjà mis en avant en 1822. »

- La Gazette de France, 16 décembre 1849.

Question :


De quelle manière le projet de Risorgimento est-il perçu depuis la France en 1849 ?

En 1848, en écho aux révolutions européennes, Giuseppe Mazzini proclame la République depuis Rome ; mais les insurrections sont écrasées par l’Autriche et la France. Le royaume de Piémont-Sardaigne, avec à sa tête Victor-Emmanuel II, se retrouve alors au cœur des espoirs d’unité de la péninsule. Depuis ce même royaume, le libéral Cavour cherche à moderniser et unifier l’Italie. Le Nord atteint progressivement l’unité. Autour du Royaume des Deux-Siciles, le Sud s’unifie également autour de Victor-Emmanuel II en 1860, sous l’impulsion de révolutionnaires comme Garibaldi.

En 1861, le royaume d’Italie est proclamé. Rome n’est prise en 1870, et devient capitale de l’Italie après un plébiscite.

Conclusion 

L'unification politique de la péninsule italienne est considérée comme la naissance de la nation italienne contemporaine. Si son sens et sa chronologie restent débattus, le Risorgimento demeure une période clé dans l’histoire de l’Italie et de l’Europe, riche de débats et d’idéaux.

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Sihem Bella est professeure d’histoire-géographie (Académie de Lille) et travaille sur Alger au XIXe siècle dans le cadre d'une thèse en histoire contemporaine (IRHiS, Université de Lille). Elle est membre de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie)

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