Le dernier empereur de Chine
Le jeune Puyi, dernier empereur de la dynastie Qing, contraint d'abdiquer en 1912, fut rétabli sur le trône en juillet 1917. Il n'avait que onze ans.
Né le 7 février 1906, Puyi, dernier descendant de la dynastie Qing, n'a que deux ans lorsqu'il succède à l'empereur Guangxu et monte sur le trône de Chine, le 2 décembre 1908. Mais en 1912, le général Yuan Shikai, nommé pour mater les mouvements de révolte qui se succèdent depuis quelques années, se retourne contre le pouvoir impérial et pousse le jeune empereur à abdiquer. La République de Chine est proclamée : Puyi est désormais tenu de demeurer dans la Cité interdite, à Pékin.
Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, la Chine hésite : quelle puissance doit-elle soutenir ? Profitant du désaccord entre le président de la République et le Premier ministre, un général conservateur partisan des Qing, Zhang Xun, envoie 5000 hommes à Pékin et, le 1er juillet 1917, rétablit Puyi dans ses fonctions. Âgé de 11 ans, il reçoit le nom de Hsuang Tong.
"L'Empire est rétabli en Chine, titre Le Petit Parisien du 3 juillet, durera-t-il ?". L'Écho de Paris du même jour parle de "coup d'État" et évoque "l'effort d'organisation centraliste et militaire" qui a ramené Puyi au trône. Une inquiétude transparaît dans de nombreux titres : ces événements vont-ils signifier une alliance entre la Chine et l'Allemagne ? Cette dernière est en effet soupçonnée d'avoir poussé à une contre-révolution qui lui serait favorable. Le 4 juillet, L'Ouest-Éclair analyse :
"L'Empire est rétabli en Chine. […] À vrai dire, l'événement n'était pas tout à fait imprévu. Le mouvement militaire en Chine avait révélé des tendances monarchistes et germanophiles absolues, et la déclaration de guerre à l'Allemagne, inscrite dans le programme de cette singulière faction, n'était qu'un artifice destiné à tromper la vigilance des Alliés. Depuis quelques semaines, les républicains chinois installés en France pressaient les puissances de l'Entente d'intervenir dans le conflit. L'Entente, selon eux, n'avait plus une faute à commettre, l'Allemagne accomplissant des efforts inouïs pour retenir la Chine sur la pente de la guerre."
Le Rire du 21 juillet illustre les événements par une caricature de la restauration en Chine sous-titrée : "ce trône rafistolé a tout l'air d'une camelote de Berlin".
Toutefois, certains journaux nuancent la gravité de la situation, arguant qu'on ne peut savoir à l'avance ce que fera la Chine. Le 7 juillet, Le Gaulois écrit ainsi :
"L'entrée de la Chine dans la guerre ne pèsera pas lourd dans l'un ou l'autre plateau de la balance militaire. Cette race innombrable, cette population démesurée, cette terre aux dimensions énormes, tout cela est trop grand pour être organisé, coordonné, unifié, pour faire un effort homogène. La Chine est trop vaste et trop éloignée pour nous faire beaucoup de bien ; elle doit trop d'argent aux États-Unis et au Japon pour pouvoir nous faire du mal, à nous alliés et amis des États-Unis et du Japon. Nous n'avons donc aucun motif d'aller plus vite dans les prévisions que la Chine dans ses actes."
En réalité, la restauration ne durera que douze jours. Le 13 juillet, Duan Qirui, le Premier ministre démis, pousse Puyi à abdiquer de nouveau. C'en est définitivement fini de la période féodale en Chine, qui n'interviendra pas dans le conflit mondial.
Puyi, qui recevra une éducation occidentale, vivra jusqu'en 1967 : nommé par le Japon empereur du Mandchoukouo entre 1934 et 1945, puis prisonnier des Soviétiques après la Seconde Guerre mondiale, il sera amnistié par Mao Zedong en 1959 et finira sa vie à Pékin, en tant que... simple jardinier, puis bibliothécaire.