Écho de presse

1895 : naissance de la CGT

le 28/05/2018 par Michèle Pedinielli
le 08/12/2017 par Michèle Pedinielli - modifié le 28/05/2018
30/04/1922, parc des Oblats à St Ouen, meeting de la CGT et de l'Union des syndicats de la Seine, Agence Rol - source : Gallica-BnF

En 1884, la loi Waldeck-Rousseau permet aux ouvriers de s’organiser pour améliorer leurs conditions de travail. En 1895, le Congrès corporatiste crée une « Confédération générale du travail » – la CGT.

Le 25 septembre 1895, 172 syndicats corporatistes, fédérations et bourses du travail se réunissent en Congrès à Limoges. Objectif : créer une confédération pour rassembler les organisations ouvrières et les détacher des partis politiques.

Sous le titre « Le Congrès corporatiste », La Petite Gironde du 28 septembre se contente d’un bref faire-part de naissance :

« Le Congrès a créé une confédération générale du travail et décidé par 135 voix contre 10 que seuls les syndicats et les organisations ouvrières ne se rattachant à aucun parti politique en pourraient faire partie.

C’est l’exclusion voulue et déclarée énergiquement par les ouvriers membres du Congrès des politiciens socialistes. »

Le Journal des débats politiques et littéraires du 28 septembre acte la décision avec plus d’enthousiasme :

« Le Congrès de Limoges qui, comme nous avons eu occasion de le constater, est composé en grande majorité de véritables ouvriers, vient de prendre une décision qui mérite de fixer l'attention. Dans sa séance d'hier le Congrès a voté la création d'une Confédération générale du travail et il a décidé, à la majorité de 135 voix contre 10, que seuls les syndicats et organisations ouvrières ne se rattachant à aucun parti politique pourraient en faire partie.

L'importance de cette décision n'échappera à personne. Le Congrès ouvrier de Limoges a voulu ainsi affirmer la volonté bien arrêtée des travailleurs de se séparer des politiciens et des socialistes de profession, qui trop longtemps ont exploité les besoins et les passions des ouvriers uniquement à leur profit. »

Le journal La Croix applaudit lui aussi le choix de rejeter la politique, source de divisions, en dehors de cette toute nouvelle Confédération générale du travail :

« Le Congrès corporatif a voté, par 124 voix contre 11 et 10 abstentions, la proposition présentée par M. Magol et portant que le Comité chargé de l’élaboration des statuts de la Confédération générale se tînt en dehors de toute école politique.

Cette proposition avait été vivement acceptée par M. Louvignv, qui a déclaré que la politique a toujours divisé, et divise encore, les syndicats. Voilà une opinion parfaitement sage. Nous félicitons le Congrès corporatif. »

Dans le détail, comme le rapporte La Presse au lendemain du Congrès, cette Confédération général du travail « aura pour objet exclusif d’unir sur le terrain économique et dans des liens d’étroite solidarité les travailleurs en marche vers leur affranchissement définitif ». Après avoir listé toutes les organisations ouvrières susceptibles d’y adhérer, l’article précise :

« Au nombre des attributions qu’aura la Confédération figurent l’organisation de la grève générale et la fixation des congrès. »

Pour le Journal des débats politiques et littéraires, la création de cette confédération ne peut que faire avancer ce que l’on n’appelle pas encore « le dialogue social », en dégageant des « tiers résolus d’avance à ne faire aucune concession », c’est-à-dire les politiciens :

« Certes il serait puéril de penser que, lors même que tous les syndicats ouvriers se rallieraient au programme de Limoges, toute menace de grève serait écartée et que patrons et ouvriers restés seuls en présence s'entendraient sur toutes les questions comme par enchantement. Non.

Mais ce qu'il y a de certain, ce que l'expérience a démontré dix fois, c'est que les conflits du travail n'auraient pas le caractère d'acuité qu'ils prennent maintenant dès le début et que leur durée serait moindre si les patrons pouvaient discuter avec leurs ouvriers sans l'intermédiaire forcé de tiers résolus d'avance à ne faire aucune concession. »

Ce Congrès pose des bases revendicatives que l’on retrouve aujourd’hui : revendication de la journée de travail de 6 heures (pour obtenir plus facilement celle de 8 heures), création de « cours professionnels », établissement de cantines gratuites, nomination d’inspecteurs ouvriers ou encore unification salariale dans chaque corporation, « À pareille main d’œuvre, tarifs égaux ».

Mais aussi la réglementation du travail des prisonniers et la fonction des prud’hommes, comme le relève La Lanterne :

« Pour éviter la concurrence faite aux ouvriers des villes par le travail fait dans les prisons, le citoyen Chariot demande que le travail des ouvriers prisonniers soit payé le même prix que celui fait au dehors, qu'on laisse aux prisonniers la somme qu'ils reçoivent actuellement et que le reliquat soit versé à la caisse des retraites ouvrières.

Il demande, en outre, l'interdiction de tout travail salarié dans les couvents et les maisons religieuses. Le citoyen Calvignac demande, en ce qui concerne la juridiction des prud'hommes, que les ouvriers des deux sexes et de tous les métiers, même pour les questions d'accidents soient jugés par les prud'hommes et que les experts soient pris dans les syndicats des corporations intéressées. Ces motions ont été adoptées. »

Notre sélection de livres

Découvrez une sélection d'ouvrages édités au XIXe siècle et issus d'un catalogue de 13 000 epubs !
Le Parti socialiste et la Confédération du travail
É. Vaillant, H. Lagardelle, J. Guesde
Ouvriers et Patrons
Eugène Fournière
La Question ouvrière
Auguste Godefroy