"La nation française croit à la démocratie"
En septembre 1936, face à la montée du nazisme, le chef du gouvernement de gauche Léon Blum réaffirme les principes de la Révolution de 1789.
Le 3 mai 1936, le deuxième tour des élections législatives a donné la majorité à une coalition de gauche, le Front populaire. Pendant trois mois, Léon Blum a mené des réformes sociales historiques. Face à la montée du nazisme et au plan de réarmement de l’Allemagne, il s'adresse aux Français et plus largement à l'Europe dans une allocution radiodiffusée le 17 septembre 1936 et prononce un discours de paix.
"M. Blum n'a pas baissé le ton devant Hitler. Il a dit, sans phrases sonores, avec une élégante fermeté, ce que le porte-parole d'un grand pays libre devait dire au lendemain des provocations de Nuremberg. Il était impossible de donner, avec autant de tact, une leçon plus précise au Méphisto du Troisième Reich", commente Le Petit Journal, qui publie le discours du président du Conseil.
"Dans son immense majorité, la France reste attachée, avec une passion réfléchie, aux souvenirs et aux traditions de la révolution française. La France croit à la liberté politique. Elle croit à l'égalité civique. Elle croit à la fraternité humaine. Elle professe que tous les citoyens naissent libres et égaux en droits. Parmi les droits fondamentaux de l'individu, elle place au premier rang la liberté de pensée et de conscience. Elle considère que l'action de l'État a pour objet essentiel d'introduire de plus en plus profondément l'application de ces principes dans les institutions légales, dans les rapports sociaux, dans les relations internationales. C'est en ce sens que l'État français est un État démocratique et que la nation française croit à la démocratie."
C'est à un vibrant éloge de la démocratie et à l'héritage de 1789 que se livre Blum :
"L'expérience n'a pas déçu la croyance de la nation française. Les principes posés par la révolution de 1789 se sont étendus sur le monde.
Ils ont changé la face morale de l'univers. Ils ont lentement éliminé les luttes de races et de religions qui ensanglantaient l'Europe depuis des siècles et qu'on a pu croire abolies à jamais. Ils ont transporté sur le plan de la pensée pure ou sur le terrain de l'action constructive la querelle éternelle des doctrines. Ils ont suscité une expansion inouïe de la science et de la culture, tout en limitant les misères engendrées par l'industrialisation. Ceux qui les condamnent en profitent souvent eux-mêmes à leur insu. Sans l'égalité civique que la révolution française a proclamée, les États autoritaires d'Europe n'auraient pas aujourd'hui à leur tête des hommes sortis des profondeurs du peuple et tirant de cette origine leurs titres et leur fierté."
Le leader de gauche affirme sa volonté de paix et appelle à une solution européenne :
"L'Histoire montre qu'une paix réelle et stable ne peut reposer ni sur l'injustice, ni sur l'égoïsme. La considération de l'état présent du monde persuade tout observateur sincère que la seule paix réelle et stable est la paix générale, que les seules solutions viables des problèmes européens sont des règlements d'ensemble. La paix doit être générale parce que la guerre serait générale, parce qu'il n'y a pas un seul conflit armé dans l'Europe actuelle qu'on pourrait se flatter de limiter ou de cantonner."