Écho de presse

1936 : le discours de victoire de Léon Blum à la Chambre

le 05/05/2022 par Pierre Ancery
le 08/01/2018 par Pierre Ancery - modifié le 05/05/2022
Léon Blum en 1932, agence Mondial - source : Gallica-BnF

Le 6 juin 1936, un mois après la victoire du Front populaire, Léon Blum présente le programme de la coalition à la Chambre des députés. Face à lui, une opposition haineuse.

6 juin 1936. Un mois plus tôt, les élections législatives ont donné la majorité à la coalition des partis de gauche, S.F.I.O., Parti radical socialiste et Parti communiste, réunis sous le nom de Front populaire.

 

Alors que partout en France éclatent les premières « grèves de la joie » (selon l'expression de la philosophe Simone Weil), Léon Blum, le nouveau chef du gouvernement, prend la parole à la Chambre des députés pour présenter le programme de la coalition élue. Le Populaire, journal de Blum, retranscrit son discours :

 

« Le Gouvernement se présente devant vous au lendemain d'élections générales où la sentence du suffrage universel, notre juge et notre maître à tous, s'est traduite avec plus de puissance et de clarté qu'à aucun moment de l'histoire républicaine.

 

Le peuple français a manifesté sa décision inébranlable de préserver contre toutes les tentatives de la violence ou de la ruse les libertés démocratiques qui ont été son œuvre et qui demeurent son bien. Il a affirmé sa résolution de rechercher dans des voies nouvelles les remèdes de la crise qui l'accable, le soulagement de souffrances et d'angoisses que leur durée rend sans cesse plus cruelles, le retour à une vie active, saine et confiante.

 

Enfin, il a proclamé la volonté de paix qui l'anime tout entier. »

 

Suit l'énoncé des engagements du programme, que résumait le slogan électoral « Pain, paix, liberté » :

 

« Dès le début de la semaine prochaine, nous déposerons sur le bureau de la Chambre un ensemble de projets de loi dont nous demanderons aux deux Assemblées d'assurer le vote avant leur séparation.
Ces projets de loi concerneront
 :
l'amnistie,
la semaine de quarante heures,
les contrats collectifs,
les congés payés,
un plan de GRANDS TRAVAUX, c'est-à-dire d'outillage économique, d'équipement sanitaire, scientifique, sportif et touristique,
la nationalisation de la fabrication des armes de guerre,
l'Office du blé qui servira d'exemple pour la revalorisation des autres denrées agricoles, comme le vin, la viande et le lait,
la prolongation de la scolarité,
une réforme du statut de la Banque de France garantissant dans sa gestion la prépondérance des intérêts nationaux. »

 

Enfin, Blum conclut :

 

« C'est dans le même esprit et avec la même résolution que nous entreprendrons la conduite des affaires internationales. La volonté du pays est évidente. Il veut la paix. Il la veut unanimement. Il la veut indivisible avec toutes les nations du monde, et pour toutes les nations du monde [...].
La fidélité à nos engagements, telle sera notre règle. Le bien public, tel sera notre but.
 »

 

La majorité acquise à Blum acclame la déclaration ministérielle, mais certains députés de la minorité de droite et surtout d'extrême-droite, surchauffés depuis les émeutes de 1934, vont faire éclater leur haine. « À Moscou ! », s'écrient certains d'entre eux, tandis que le Croix-de-Feu Xavier Vallat lance une injure antisémite.

 

L'Humanité du lendemain la rapporte :

 

« “Ce qui m'interdit de voter pour M. Léon Blum, c'est M. Léon Blum lui-même. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain qu'est la France sera gouverné par un juif. ”
Vallat a à peine amorcé cette provocation antisémite que toute la majorité dressée le flétrit violemment. M. Herriot invite énergiquement le provocateur à retirer ses propos. Vallat refuse. M. Herriot lui inflige un rappel à l'ordre et, Vallat ayant réitéré, il le menace de lui retirer la parole. L'orateur fasciste descend de la tribune sous les huées de la majorité.
 »

 

Dans les discussions qui suivent la déclaration ministérielle, Blum ajoutera :

 

« Vous avez entendu le programme du Gouvernement. Vous savez quelles sont les intentions qui l'animent. Vous savez dans quel esprit et dans quelle direction il entend pousser la politique du pays.

 

Nous voulons être le Gouvernement du bien public et de la paix. Nous voulons de toute notre force rendre confiance en elle-même à la France laborieuse, rendre confiance en elle-même à l'Europe pacifique. »

 

Après la signature avec le patronat des accords de Matignon le 8 juin, les lois du 11 et 12 juin instauraient la semaine de 40 heures, les contrats collectifs et les congés payés.