Un singulier printemps 1936 : « Victoire de la classe ouvrière ! »
Un mois après la victoire du Front Populaire aux élections législatives de 1936, la signature des accords de Matignon marquent une évolution majeure dans le monde du travail en France. Le Populaire, journal de la SFIO, les célèbre par une Une dithyrambique.
Le 3 mai 1936, le Front Populaire, coalition de partis de gauches, remporte les élections législatives avec 57,16 % des scrutins exprimés. Conduit par Léon Blum, il devient ainsi le premier gouvernement français à direction socialiste et marque un tournant économique, politique et social en France.
A la suite de cette victoire, les salariés français se mettent en grève et occupent leurs lieux de travail. Cette pression oblige le patronat à collaborer avec le gouvernent Blum.
Un mois à peine après cette victoire, dans la nuit du 7 au 8 juin 1936, la Confédération Générale du Travail (C.G.T.) signe avec les représentants du patronat et le gouvernement les célèbres accords de Matignon. Augmentation des salaires, droit de grève, congés payés, semaine de 40 heures… Il s’agit d’avancées sociales sans précédent.
Au lendemain de la signature des accords, Le Populaire célèbre en grande pompe la « victoire de la classe ouvrière ».
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VICTOIRE DE LA CLASSE OUVRIÈRE !
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Sous la présidence de Léon Blum assisté de Roger Salengro, un accord a été conclu entre l’organisation nationale et le patronat de la C. G. T.
LES TRAVAILLEURS OBTIENNENT DU PATRONAT :
la reconnaissance du droit syndical ;
la reconnaissance des délégués d’ateliers ;
une augmentation des salaires de 7 à 15 % d’après les régions ;
l’établissement immédiat des contrats collectifs ;
l’engagement d’appliquer les lois qui seront votées par les Chambres et qui concernent les contrats collectifs, les congés payés et la semaine de 40 heures ;
les patrons s’engagent en outre à ne prendre aucune sanction pour fait de grève.
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Sur l’intervention de Vincent Auriol, ministre des Finances, un contrat collectif sera examiné mercredi pour les employés de banque et de bourse
Victoire ! Victoire !
Les patrons ont capitulé.
Les travailleurs obtiennent :
– la signature des contrats collectifs ;
– la reconnaissance du droit syndical ;
– celle des délégués d’ateliers ;
– des augmentations de salaires des 7 à 15 pour 100 ;
l’application des lois doit les projets vont être déposés et qui visent les contrats collectifs, les congés payés, la semaine de 40 heures ;
– de ne subir aucune sanction pour faits de grèves.
Les patrons ? Quels patrons ? Tous.
C’est en effet la puissante Confédération Générale de la Production Française qui accepte tout cela.
L’accord a été signé cette nuit, entre elle et la Confédération Générale du Travail, après une journée de négociations d’initiative gouvernementale dont on lira plus loin le récit.
Soulignons que c’est la première fois que l’organisation patronale acceptait même de se rencontrer avec les délégués de la C.G.T.
Une victoire ? Mieux : un triomphe.
En vingt ans d’effort, la classe ouvrière n’avait jamais obtenu, jamais espéré peut-être, cela.
Un triomphe pour la classe ouvrière dont l’action autonome, calme et disciplinée a forcé l’admiration de tous et créé autour de ses revendications une chaude atmosphère de sympathie.
Un triomphe pour le gouvernement de Front Populaire dont la rapidité et la clarté de décision ont forcé la volonté et les appréhensions patronale.
Un triomphe pour l’organisation syndicale dont l’attitude, sage et hardie à la fois, est récompensée.
Victorieux, les ouvriers peuvent reprendre le travail. Ils resteront vigilants et renforceront leurs organisations corporatives en adhérant en masse aux syndicats.
Ils soutiendront davantage encore le gouvernement de Front Populaire, le gouvernement de leur classe.