Comment les ligueurs et ligueuses sont-ils appelés à agir ? Certaines actions sont individuelles. La Comtesse de Guitaut – encore elle – fait par exemple déplacer une caisse jugée dangereuse aux Galeries Lafayette. Mais la ligue défend surtout l’intervention légale : le vote et l’application de lois sociales.
L’une d’entre elles est la « loi des sièges », réforme demandée notamment par un groupe de femmes catholiques, dont Pauline Lorin, épouse d’Henri Lorin, et Marie Séraphine de la Tour du Pin, épouse de René de la Tour du Pin. Cette loi est votée le 29 décembre 1900 et fixe « les conditions du travail des femmes employées dans les magasins, boutiques et autres locaux en dépendant ». En 1908, cette loi n’est toujours pas respectée. Une autre loi régulièrement évoquée concerne le repos hebdomadaire, régulièrement discuté avant et après le vote de la loi sur le repos hebdomadaire en 1906.
Dans le compte rendu publié de la Conférence des ligues sociales d’acheteurs de Genève en 1908, les grands magasins tiennent une place importante. On y discute dès le premier jour de la « veillée », autrement dit du travail de nuit des ouvrières qui travaillent souvent pour des grands magasins, ainsi que des conditions de vie des vendeuses dont la journée de travail est longue et qui ne peuvent s’asseoir – à New York, à Rome, à Berlin comme à Paris.
Par ailleurs, les notes « authentiques » d’une vendeuse de grand magasin, pendant la période des fêtes de fin d’années, sont publiées. Lu avec certains discours socialistes publiés au même moment dans la presse, cet ouvrage offre une autre lecture de l’histoire des grands magasins : il incite à réfléchir aux paradoxes de la démocratisation de la consommation et à son coût social. Ces questions restent aujourd’hui plus que jamais d’actualité, dans un cadre mondialisé.
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Pour en savoir plus :
George Mény, Le travail à bon marché, Paris, Bloud et Cie, 1907. Il propose une synthèse de nombreux discours écrits par les membres de la LSA
Émile Zola, Au Bonheur des Dames, Paris, Gallimard, 1980
M.-E. Chessel, Consommateurs engagés à la Belle Époque. La Ligue Sociale d’Acheteurs, Paris, Presses de Sciences po, 2012. Sur la tradition philanthropique, voir par exemple M. Miller, Au Bon Marché. Le consommateur apprivoisé, Colin, 1987.Anaïs Albert, Mathilde Rossigneux-Méheust, « Une question économique dominée par des enjeux moraux », Histoire, économie et société, 2013
Les Frères Bonneff reporters du travail. Articles publiés dans L’Humanité de 1908 à 1914, édition scientifique par Nicolas Hatzfeld, Classiques Garnier, 2021
Alain Chatriot, Odile Join-Lambert, Vincent Viet (dir.), Les politiques du Travail (1906-2006). Acteurs, réseaux, institutions, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006
Pauline Barraud de Lagerie, Les patrons de la vertu. De la responsabilité sociale des entreprises au devoir de vigilance, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019