A la veille de son intronisation au Panthéon, le quotidien consacre deux sobres pages illustrées à Hugo, disparu une semaine plus tôt. Muettes, ces images mettent en scène la vie d’un héros, et illustrent un deuil national.
Il est difficile d’imaginer le choc national que fut la disparition de Victor Hugo le 22 mai 1885. « L’Homme-siècle » s’éteint chez lui des suites d’une congestion pulmonaire à l’âge de 83 ans, alors qu’il est une légende littéraire et politique incontestable, une personnalité d’une aura sans commune mesure en France. Conformément à ses volontés, son corps est transporté dans le « corbillard des pauvres ».
C’est par un décret voté à la Chambre que la République accorde au héros des obsèques nationales et le transfert de son corps au Panthéon, où il est inhumé le 1er juin ; la nuit précédente, son cercueil fut exposé sous l’Arc de Triomphe, voilé d’un crêpe noir, et veillé par des cuirassiers à cheval. « Nulle royauté littéraire n’égala jamais la sienne », convient non sans discernement le Figaro.
Ce supplément du 30 mai se distingue par la prédominance du visuel sur le texte, se composant d'un collage d'un grand nombre de gravure. Une « galerie de portrait » du grand homme s'organise chronologiquement autour de clichés aujourd'hui encore fameux. On peut citer la photographie de l'atelier Nadar (« à 80 ans ») ou encore « Portrait de Victor Hugo », une huile sur toile réalisée en 1879 par le grand portraitiste Léon Bonnat (« à 72 ans »).
La gravure la plus imposante n'est cependant par une reproduction de l'écrivain de son vivant. Il s'agit d'une reproduction de la peinture à l'huile « Victor Hugo sur son lit de Mort » de Léon Bonnat. Le point de vu choisi pour représenter la dépouille de l'écrivain le même que celui de la photographie de Nadar. La photographie post-mortem est en effet une tradition qui se met en place dès les débuts du médium ; il ne s'agit pas là d'images liées à une certaines fascination morbide, mais de commémorer et construire le souvenir.
Dans l'idée d'une exaltation de la figure du génie, ce supplément du Figaro figure également le catafalque (estrade funéraire) pour l'exposition du corps sous l'Arc de Triomphe dessiné par le grand architecte de l'Opéra, Charles Garnier, ainsi qu'un projet de monument commémoratif.