11 novembre 1917 : « la parole est aux armes, et aux armes seules ! »
Un an jour pour jour avant l'armistice, en France l'heure est au désespoir. Les va-t-en-guerre, éditorialistes comme hommes politiques, exhortent les soldats à poursuivre les combats.
11 novembre 1917, 1198e jour de guerre. Les dernières nouvelles du front semblent rassurantes :
« Des coups de main ennemis au nord-ouest de Reims et au nord de Samogneux ont échoué sous nos feux. Sur le front du bois Le Chaume, activité persistante des deux artilleries.
En Woëvre, au nord de Flirey, nous avons réussi une incursion dans les lignes ennemies et ramené un certain nombre de prisonniers.
Dans les Vosges, après une vive préparation d’artillerie, les Allemands ont lancé une attaque sur nos tranchées de l'Hartmannswillerkopf. Après un violent combat corps à corps, nos troupes ont entièrement rejeté l’ennemi qui avait pris pied un instant dans notre ligne de surveillance. Une autre tentative ennemie au Reichakor est restée sans succès. Nuit calme partout ailleurs. »
Mais en ce 11 novembre 1917, un sujet brûlant fait la une de tous les journaux français : la situation en Russie, où Lénine, partisan de la paix immédiate, est en passe de prendre le pouvoir. Quelles répercussions le coup d'État bolchevique aura-t-il sur la poursuite de la guerre, à l'heure où le découragement gagne dangereusement les soldats comme l'opinion ?
Les éditorialistes prennent la plume pour dénoncer les manœuvres de paix et défendre la poursuite de la guerre coûte que coûte.
« Avec ou sans la Russie », il faut continuer les combats, écrit La République française :
« Un peuple qui ne veut pas travailler, une armée qui refuse de se battre, sont radicalement impropres à la guerre et il serait vain de compter sur leur concours, si une profonde transformation ne se produit. Les alliés et l’Occident doivent donc agir comme si l’appoint russe était désormais inexistant. Tant mieux si un changement se produit, mais il faut faire comme si l’on n’y comptait pas. »
« Pour vaincre, il faut tout d’abord avoir la volonté de se battre », martèle L'Avenir des Hautes-Pyrénées :
« On le voit bien, hélas en Russie. Aussi, c'est le moral de leurs adversaires que les Allemands s’efforcent d'atteindre en ce moment, par la lassitude, le découragement, tout ce qui arrête et paralyse.
Il est profondément regrettable de constater qu’ils trouvent chez nous des gens qui, par inconscience, ou par on ne sait quel esprit de parti, on ne sait quels louches calculs, font réellement aujourd’hui, en cela, la besogne de l’Allemagne. Il ne s’agit pas, bien entendu, des pessimistes de bonne foi, comme il y en a eu toujours, de même qu’il y a des optimistes exagérés. Il s’agit de tout un groupe, on pourrait dire une organisation d’écrivains et de journalistes, genre du Pays, dont les efforts continus tendent plus ou moins hypocritement, mais sûrement, à la dépression de l’opinion publique. »
Le 12 novembre 1917, le président du Conseil, Paul Painlevé, dénonce à son tour le « péril pacifiste » :
« Ceux qui songent à la paix, dans les circonstances actuelles, trahissent, qu'ils le veuillent ou non, les intérêts les plus sacrés de leur patrie, de la civilisation, de l'humanité.
N'ont-ils donc pas réfléchi à ce que serait cette paix subie par le monde, sous la menace triomphante du militarisme prussien, une paix d'abjection, de misère et de honte ? Rien ne les libérerait plus, ni eux-mêmes, ni leurs descendants. Non, la parole est aux armes, et aux armes seules, jusqu'à ce jour où sur les champs de bataille surgira le droit triomphant. »
L'arrêt unilatéral des combats par Lénine permettra à l'Allemagne de concentrer tous ses efforts contre la France et l'Angleterre. Le général Foch prendra le commandement des armées franco-anglaises et parviendra à repousser les attaques allemandes. L'Allemagne, où les grèves et les insurrections se multiplient, sera finalement acculée à la paix un an plus tard.
Le 11 novembre 1918, l'armistice est signé.